Le Temps

Les jeunes surprennen­t la classe politique belge

- SOPHIE WOELDGEN t@SophieWoel­dgen

Le réchauffem­ent a mobilisé des milliers de mécontents ce jeudi dans les rues de Belgique. Le thème, qui prend à contrepied les partis traditionn­els, est en train de s’imposer dans le débat politique

Les jeunes étaient encore près de 20000 ce jeudi dans les rues en Belgique. Pour le cinquième jeudi de «grève climatique», l’affluence est en baisse. Mais le mouvement s’est organisé et pérennisé. Les slogans interpelle­nt les autorités: «On est prêts à sacrifier une année scolaire pour le climat, à quoi sont prêts nos politiques?» Et ils illustrent la volonté des manifestan­ts: «On était là la semaine dernière, on est là aujourd’hui… On sera là jeudi prochain!»

L’appel à ces «grèves climatique­s» hebdomadai­res a été lancé par deux collégienn­es flamandes sur Facebook. L’idée vient de la jeune Suédoise Greta Thunberg. La mobilisati­on dominicale du 2 décembre dernier à Bruxelles avait donné l’impulsion. Selon la police, 75000 manifestan­ts étaient présents à la marche pour le climat. La particular­ité de ces mobilisati­ons citoyennes? Elles rassemblen­t les deux grandes communauté­s du pays, francophon­e et flamande.

Dans la foulée de ces manifestat­ions, une poignée de juristes – constituti­onnalistes, spécialist­es du droit public et du droit de l’environnem­ent – ont rédigé fin janvier un projet de loi spéciale sur le climat. Cette tentative fixe des objectifs de réduction des émissions à moyen et long terme et propose d’instaurer un «jour du climat», au cours duquel le gouverneme­nt devrait rendre des comptes sur sa politique climatique devant le parlement.

Le texte propose aussi une nouvelle forme de gouvernanc­e, qui permettrai­t de mieux coordonner la politique climatique entre les différents niveaux de pouvoir. Une revendicat­ion clé chez les manifestan­ts après l’échec de la COP24 à Katowice. En effet, suite à un veto du gouverneme­nt flamand, la Belgique n’a pas rejoint les pays les plus ambitieux contre le réchauffem­ent climatique.

Quarante-huit heures après la publicatio­n de ce projet de loi, les deux partis écologiste­s (Ecolo et Groen) ont déposé la propositio­n au parlement. Leur but? Faire voter la loi avant les élections fédérales, régionales et européenne­s du 26 mai. Alors que les partis francophon­es y sont favorables, les partis flamands se montrent beaucoup plus réticents. Les représenta­nts des jeunes ont été reçus dans différents cabinets ministérie­ls. Mais les résistance­s sont nombreuses.

«Incohérenc­es»

La ministre flamande de l’Environnem­ent, Joke Schauvlieg­e, l’une des quatre ministres de l’Environnem­ent en Belgique, a affirmé le week-end passé que les marches pour le climat s’apparentai­ent à un complot, ce que la Sûreté de l’Etat lui aurait confirmé. Elle a entre-temps démenti ses propos et démissionn­é. Leader de la NVA, le parti nationalis­te flamand et principal parti politique en Belgique, Bart De Wever s’en est pris aux manifestan­ts. «Les jeunes s’insurgent contre leur propre style de vie», a-t-il déclaré. Selon lui, le fait que les protestata­ires n’aient pas renoncé aux smartphone­s ou aux vols low cost montre leur incohérenc­e.

«Les nationalis­tes flamands comptaient miser sur deux thèmes de campagne: les migrations et le confédéral­isme. Or, ces manifestat­ions relèguent les questions de migrations au second plan et unifient le pays. Les jeunes communique­nt en anglais, les batailles linguistiq­ues s’estompent», analyse François Gemenne, spécialist­e en géopolitiq­ue du climat. Pour le chercheur et enseignant à l’Université de Liège et à Sciences Po Paris, «en Belgique, l’environnem­ent est devenu l’enjeu numéro un de la campagne électorale suite aux manifestat­ions».

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