Etudiante parlementaire
A 24 ans, Samira Marti est devenue la plus jeune conseillère nationale. Dépourvue d’expérience, elle compte bien porter la voix des jeunes haut et fort sous la coupole fédérale
Elle a prêté serment le 10 décembre 2018. Quelques jours après, elle passait des examens à l’Université de Zurich. «Ce n’était pas prévu comme ça», explique Samira Marti.
Son année avait en effet commencé de manière plutôt paisible. Etudiante en master d’économie, elle pendule entre les bords de la Limmat et son appartement de Liestal, dans le canton de Bâle-Campagne. Passionnée de jass et de jazz, elle copréside les jeunes socialistes de son canton, toutefois sans avoir jamais été élue. Puis sa vie bascule: en mars, coup de théâtre, la septuagénaire Susanne Leutenegger Oberholzer (PS/BL) annonce son retrait du Conseil national en cours de mandat, après vingttrois ans de service. Deuxième surprise: sa remplaçante sur la liste renonce. La remplaçante de la remplaçante rentre donc en scène: Samira Marti. D’un jour à l’autre, l’étudiante devient conseillère nationale. A deux mois près, la plus jeune de l’histoire. Elle-même peine encore à réaliser.
Une première manifestation à 11 ans
«Je suis bien sûr surprise», concède la nouvelle parlementaire fédérale. Humble, elle reconnaît avoir bénéficié d’un coup de pouce du destin: «La politique est parfois une affaire de hasard. Je me suis trouvée au bon endroit au bon moment.» Toutefois, ce n’est pas tout, estime-t-elle: «Lorsque je me suis inscrite sur les listes du PS de Bâle-Campagne pour les élections fédérales de 2015, je crois que les électeurs ont senti que je ne considérais pas la politique comme un simple passe-temps. Je prends ça très au sérieux, je suis convaincue de ce que je dis et je veux voir les choses changer. Cela explique aussi le bon résultat obtenu à ce moment-là et, de facto, ma position actuelle.» Engagée dès son plus jeune âge, Samira Marti ne s’est en effet pas faite en un jour. Son premier combat intervient à l’âge de 11 ans. Bâle-Campagne veut faire des économies et l’école primaire de la future politicienne est jugée dispensable: elle doit fermer. «Tout le village a manifesté et les autorités ont reculé, raconte-t-elle. C’est la première fois que j’ai compris qu’un mouvement populaire pouvait faire changer les choses.» Le virus militant ne la quitte plus. A 15 ans, elle représente les élèves de son gymnase auprès de la direction et décroche un prix – spécialement créé pour elle – pour son engagement.
A 18 ans, elle entre au «Conseil des jeunes», qui permet à neuf politiciens en herbe de participer à des événements et de faire des propositions au parlement cantonal. Lors d’une discussion sur la fusion des deux Bâles (refusée en 2014), c’est le déclic: «Mon rôle était de passer le micro aux intervenants. J’ai réalisé que je ne voulais pas faire ça. Je voulais donner mon propre avis.» Elle rejoint les jeunes socialistes quelques jours après et en prend rapidement la coprésidence. Six ans plus tard, elle siège à Berne.
«Le parlement a pris de l’âge»
Entrée en fonction en cours de session parlementaire d’hiver – sa devancière s’étant retirée à la fin de la deuxième semaine (sur trois) – Samira Marti n’a jusque-là siégé que cinq jours. Dépourvue de commission, elle en a surtout profité pour se familiariser avec son nouvel environnement, notamment ses 245 nouveaux collègues: «Certains sont venus vers moi pour me souhaiter la bienvenue, d’autres non.» L’occasion aussi de se frotter aux médias: «On m’a demandé cinq à six interviews par jour, l’attention médiatique était énorme.» Et de se rendre compte des forces politiques en vigueur au parlement: «Je savais que la droite était majoritaire, mais voir de mes yeux ces quinquagénaires paisiblement détruire notre futur en pressant sur un bouton était une expérience particulièrement intense.» Cinq jours bien remplis.
Comme un coup du destin, l’un des premiers votes de la socialiste allait embraser la jeunesse suisse: le rejet de la loi sur le CO2 – autrement dit le renoncement aux engagements climatiques helvétiques pris lors de l’Accord de Paris. «C’est là qu’on voit que le parlement a pris de l’âge, critique sa plus jeune membre. C’est aussi pour cela qu’il est important que des gens de ma génération y siègent.»
Comme elle est toujours aux études, la difficulté sera pour elle de réussir à concilier cours et dates d’examens avec son nouveau mandat. Elle ne se fait toutefois pas de doute là-dessus: «Jusque-là, je travaillais comme serveuse à 40%, je devrais pouvoir me débrouiller». Elle a pu rendre son tablier. Quelque peu empruntée, la nouvelle parlementaire révèle en effet toucher «environ 100000 francs par an» pour son nouveau poste. De quoi prendre une chambre d’hôtel à Berne lors de la prochaine session. En décembre dernier, elle avait dormi chez une amie. Sur le canapé.
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«La politique est parfois une affaire de hasard.
Je me suis trouvée au bon endroit au bon moment» SAMIRA MARTI, CONSEILLÈRE NATIONALE (PS/BL)