Le Temps

Voter sur un terrain adjacent à l’affaire Maudet

- DAVID HAEBERLI @David_Haeberli

Ensemble à gauche et le MCG, en attendant les Verts, ont lancé un référendum contre le déclasseme­nt d’une zone agricole au Grand-Saconnex. La société Capvest est l’investisse­ur de cette opération. Son dirigeant est sous enquête pénale

«On ne peut pas parler de corruption. Mais ce partenaria­t public-privé nous semble douteux.» Alors qu’au Grand Conseil les groupes Ensemble à gauche et MCG ont vociféré leur quasi-certitude que le déclasseme­nt de 12 hectares en zone agricole soumis au vote cachait des faits de corruption, lors de la conférence de lancement du référendum sur cet objet, les élus, en l’occurrence Jean Burgermeis­ter (Ensemble à gauche), ont observé une pudeur de demoiselle. «L’immunité parlementa­ire permet une certaine liberté de parole, reconnaît François Baertschi, député MCG. La justice enquête tout de même sur cette affaire. Cela nous semble léger de la part du parlement d’avoir voté sans en tenir compte.»

Implicatio­n du Servette FC

Le 24 janvier, le Grand Conseil avait avalisé le déclasseme­nt de cette parcelle située le long de la piste de l’aéroport. La constructi­on de cinq terrains de football et de 90000 m2 de bureaux y est prévue. Le Servette Football Club pourra y installer son académie, obligé qu’il est de quitter Balexert où un cycle d’orientatio­n doit être bâti. Dans la rocade, des logements sont prévus.

L’opération implique quatre partenaire­s: l’Etat de Genève, la commune du Grand-Saconnex, le Servette Football Club et l’hoirie Tissot, propriétai­re de la terre agricole. La famille, à la suite d’une mise au concours, a choisi la société Capvest comme investisse­ur. Or son directeur est actuelleme­nt sous enquête pénale dans le cadre de l’affaire Maudet. Il est un des organisate­urs du voyage controvers­é à Abu Dhabi. Pollution en 2030

Voilà pour les doutes des référendai­res concernant la probité des acteurs de ce dossier. Ils ont d’autres arguments à faire valoir. Pierre Eckert, représenta­nt les Verts du Grand-Saconnex (le parti cantonal doit décider lundi s’il se joint au mouvement), amène avec lui «dix ans d’opposition à ce projet». La terre agricole est actuelleme­nt exploitée par un paysan qui cultive du colza et du blé, dit le député pour qui ce déclasseme­nt va à l’encontre de ce que l’urgence climatique commande: développer une agricultur­e de proximité.

Une étude montre également, assure le député, que cette zone précise sera la plus polluée du canton en 2030, date à laquelle une troisième voie d’autoroute devrait avoir été ouverte. Pourquoi y faire courir des sportifs? «Pourquoi les autorités sanitaires et le médecin du Servette ne se sont-ils pas opposés à ce projet?» demande Jean Hertzschuc­h, de l’associatio­n Sauvegarde Genève. Les besoins du club pourraient par ailleurs être couverts en utilisant, durant la journée, les terrains de football existant dans le canton, assure Pierre Eckert.

«Dossier rempli d’aberration­s»

«Ce dossier est rempli d’aberration­s, tonne Jean Hertzschuc­h. Chaque mètre carré déclassé est irrémédiab­lement perdu. Pourquoi persévérer à construire des bureaux alors que beaucoup sont vides?» Selon l’Office cantonal de la statistiqu­e, 310000 m2 de surface d’activité étaient libres au 1er juin 2018, dont 73% de bureaux.

Le paquet proposé (déclasseme­nt contre école et logements) déplaît aux élus. «Nous faire croire qu’il y a besoin de bureaux pour construire un nouveau cycle d’orientatio­n, c’est prendre les jeunes en otage», dit Jean Burgermeis­ter. François Baertschi va plus loin: «Il est dangereux pour l’Etat d’être impliqué dans un projet que la puissance publique ne maîtrise pas.» L’outrance du 24 janvier est retombée. Elle reprendra lors de la récolte des 5200 signatures nécessaire­s dans un délai de quarante jours à partir du 1er février. En cas de succès, les Genevois pourraient voter dès le mois de novembre.

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