L’Etat français ciblé par la Cour des comptes
Le rapport annuel de la juridiction financière constate de nombreux errements dans l’allocation des dépenses publiques
L'Etat français tellement critiqué par les «gilets jaunes» vient de subir une nouvelle salve de reproches. Ils proviennent cette fois des magistrats de la Cour des comptes, qui, dans leur rapport annuel publié mercredi, pointent du doigt la dérive programmée des déficits, et de nombreux errements dans l'allocation des dépenses publiques, dont la France, rappelons-le, est la championne d'Europe avec environ 57% du produit intérieur brut (PIB).
Le premier constat des juges de la Cour – des hauts fonctionnaires habitués souvent à faire la navette entre l'institution et les cabinets ministériels, voire à effectuer une carrière politique comme ce fut le cas pour l'ex-président François Hollande – promet d'inquiéter la Commission européenne. Selon le rapport, le déficit public de la France devrait atteindre 3,2% du PIB en 2019, contre 2,9% promis par le gouvernement. Le pays se retrouverait ainsi à nouveau hors des clous des critères de Maastricht en oeuvre au sein de la zone euro. Ils prévoient notamment un plafond de déficit «autorisé» de 3% du PIB. Le déficit français était repassé sous cette barre en 2018 pour la première fois depuis 2008.
Incapacité de l’Etat à réduire les dépenses
L'analyse la plus dérangeante de la Cour des comptes porte sur les raisons de cette dérive. Selon les magistrats, ce dérapage programmé – assuré de s'aggraver avec les promesses de 10 milliards d'euros d'aide aux plus bas revenus promis par Emmanuel Macron en décembre – vient d'abord de l'incapacité de l'Etat français à réduire ses dépenses. La croissance économique de ces trois dernières années (1,1% en 2016, 1,9% en 2017, 1,7% en 2018) n'a pas été utilisée à bon escient. La dette publique a en plus continué d'augmenter pour atteindre aujourd'hui près de 100% du PIB, contre 90% en 2011. «Il y a bien eu un effort sur la maîtrise des dépenses, plus important que les années passées, mais il y a en même temps des baisses de recettes qui ont compensé», a déploré son président, l'ancien député socialiste Didier Migaud, dont la succession pourrait être ouverte ces jours prochains par son départ au Conseil constitutionnel. L'actuel commissaire européen aux questions économiques, Pierre Moscovici, est cité comme un possible remplaçant.
L'autre tir de la Cour des comptes sur l'Etat français concerne une mauvaise allocation persistante des ressources. Plusieurs cas d'agences publiques ou d'administrations bien trop dépensières par rapport à leur efficacité sont cités. Figure dans cette liste «noire» les trains régionaux Intercités, mal gérés par la SNCF et dont les magistrats proposent le transfert aux régions. Y figure aussi le Mobilier national, l'agence chargée de meubler les bâtiments officiels du pouvoir, dont une partie du personnel ne travaillerait que… 180 jours par an. Citons aussi, car elle est au coeur de la contestation des «gilets jaunes», la détérioration du service public de la santé. La Cour des comptes estime que «les services d'urgence ont une trop faible activité, notamment de nuit, et ne permettent plus d'assurer la permanence des soins dans des conditions financièrement supportables».
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