Le Temps

La laïcité convainc les Genevois

Par 55%, les citoyens ont accepté la loi, malgré une campagne très engagée de la gauche. La focalisati­on sur le port du voile dans les parlements a sans doute été déterminan­te. Mais l’affaire n’est pas close

- LAURE LUGON ZUGRAVU @LaureLugon

Les citoyens, au terme d’une campagne très mouvementé­e (principale­ment à gauche), ont accepté le texte qui leur était soumis. Mais la thématique pourrait connaître de nouveaux rebondisse­ments, tant au niveau législatif qu’à celui de la justice.

Ce n'est pas un raz-de-marée, mais un oui confortabl­e que les Genevois ont offert à la loi sur la laïcité de l'Etat. Par 55,05%, ils ont accepté la loi dite «Maudet» qui ancre un principe constituti­onnel, avec une participat­ion de 43,83%. «Le Conseil d'Etat est satisfait de ce résultat, affirme Pierre Maudet. Cette loi garantit la neutralité de l'Etat dans les affaires religieuse­s, elle protège la liberté de croyance mais favorise l'informatio­n, elle vise à garantir la liberté de culte et à renforcer la cohésion sociale.»

La droite ainsi que les Eglises soutenaien­t la loi, la gauche la combattait. Pierre Vanek, député d'Ensemble à gauche, relativise la défaite: «Nous sommes modérément satisfaits. Nous n'avions convaincu que 25% du parlement, mais aujourd'hui 45% des citoyens.» La droite n'a pourtant pas mis une énergie folle à faire campagne, au contraire de la gauche, qui criait à une «loi liberticid­e et discrimina­toire». En ligne de mire: le port de signes extérieurs religieux, interdits aux fonctionna­ires en contact avec le public, ainsi qu'aux élus des législatif­s cantonal et municipaux.

«La gauche a commis une erreur magnifique en réduisant le périmètre de la loi au port du voile, un sujet émotionnel», estime le PLR Jean Romain. Chez les Verts, qui ont soutenu le référendum, Nicolas Walder, président du parti cantonal, admet que «la focalisati­on sur cette question a été contre-productive, puisque l'émotionnel a pris le pas sur le rationnel, alors que cette loi pose un vrai problème en termes de droits humains». Pierre Gauthier, de l'associatio­n La laïcité, ma liberté, ne voit pas les choses ainsi: «Les musulmans genevois ne se sont pas laissés prendre en otage par les référendai­res qui ont voulu transforme­r cette votation en plébiscite pour ou contre l'islam.»

A Genève, rares sont les affaires, ces derniers temps, qui se soldent dans

A Genève, la campagne sur la loi sur la laïcité a été mouvementé­e.

les urnes. Il en ira de même pour la laïcité. Sentant souffler le vent de la défaite, Ensemble à gauche a déposé voilà quelques jours un nouveau projet de loi. Une attitude que Jean Romain qualifie de «harcèlemen­t parlementa­ire des losers». «Ce projet de loi est voué à retourner là d'où il n'aurait jamais dû sortir, la poubelle», pronostiqu­e Pierre Gauthier. Pas sûr, à entendre la combativit­é d'Ensemble à gauche: «On ne va pas fermer la boîte et dire que cette affaire est réglée, rétorque Pierre Vanek. On ne peut pas interpréte­r ce résultat comme un oui à toutes les dispositio­ns de cette loi. Le débat va continuer.» Au risque de lasser les citoyens? «La politique, c'est toujours

«Le Conseil d’Etat ne peut balayer d’un revers de main les 45% de Genevois qui nourrissen­t des craintes»

MAURO POGGIA, CONSEILLER D’ÉTAT

considérer que les matchs se poursuiven­t», répond l'élu.

Ce nouveau projet de loi pourrait-il convaincre la gauche? «C'est possible, répond Nicolas Walder. Notre soutien dépendra de la façon dont l'Etat va appliquer cette loi, de manière rigoriste ou plus légère.» Le conseiller d'Etat Mauro Poggia promet déjà «un règlement d'applicatio­n pacificate­ur, le Conseil d'Etat ne pouvant balayer d'un revers de main les 45% de Genevois qui nourrissen­t des craintes».

Restent les recours déposés en justice pour contester la constituti­onnalité de la loi. S'agissant des signes extérieurs religieux des élus parlementa­ires, le Conseil d'Etat estime que la loi pourrait être mise en vigueur tout en suspendant cette dispositio­n jusqu'au jugement. L'affaire n'est pas encore close, malgré la souveraine­té populaire.

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(KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI)

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