Montreux fige son centre de congrès
Il s’en est fallu de presque rien, mais les citoyens de Montreux ont refusé que leur commune participe à la rénovation de leur centre de congrès. Du côté des acteurs culturels, et en particulier au Montreux Jazz Festival, on ne cache pas son inquiétude.
Sur les murs du 2m2c de Montreux. Un appel au oui qui n’a pas été suivi.
«On a reçu des ordres clairs: pas de communication! Face à une municipalité absente, les Montreusiens ont eu peur. C’est un scandale politique cette affaire, mais c’est une autre histoire»
LAURENT WEHRLI, SYNDIC DE MONTREUX
La capitale du jazz n’aura pas droit à sa nouvelle infrastructure. L’avenir des manifestations culturelles de la ville est menacé 50,7%
C’est un choc pour le Montreux Jazz Festival, pour la municipalité et pour les nombreux acteurs touristiques et culturels de la région. La population de Montreux, par 94 voix, a refusé d’investir 27 millions de francs pour la rénovation de son centre de congrès.
Le Montreux Music & Convention Centre (ou 2m2c) est la plus grande infrastructure du canton dédiée aux congrès et spectacles. Vétuste et énergivore, le bâtiment se doit de faire peau neuve. Sorties de secours, aérations, revêtements, sanitaires et accès d’entrée ne répondent plus aux normes. Les autorités et la direction du centre ont tenté – en vain – de profiter de cette remise à niveau obligatoire pour lui offrir un lifting complet afin qu’il puisse faire face à la concurrence. Le coût de l’opération s’élevait à 87 millions de francs, dont 27 aux frais de la commune.
La politique du sparadrap
Le directeur du Montreux Jazz Festival, Mathieu Jaton, était sous le choc, dimanche à l’annonce des résultats. Il savait que le score allait être serré mais ne l’imaginait pas à ce point. «Ce centre est tout simplement essentiel, vital, pour la vie culturelle et sociale de Montreux.» Si les prestations de Prince, Bowie et autres ont rendu Montreux fameux dans le monde entier, il ne faut pas oublier que le 2m2c accueillait une multitude d’événements moins couverts médiatiquement, soit 250 jours par an.
«Le pari que l’on a fait a échoué: nous voulions aller plus loin que la politique du sparadrap qui consiste à simplement mettre à niveau les obligations légales du bâtiment, qui coûtent déjà plusieurs dizaines de millions de francs. Nous avons imaginé un projet architectural qui nous permettait de rester compétitifs dans un monde en constante évolution. Le risque aujourd’hui pour Montreux, c’est de voir partir ses manifestations culturelles.» Le Montreux Jazz également? «J’ose espérer que l’on n’en arrivera pas là. Mais si, pour des raisons sécuritaires, l’auditorium Stravinsky est réduit à n’accueillir que 300 personnes, que pourra-t-on faire d’autre?»
Un projet dans les plus brefs délais
Du côté de la municipalité, on ne fait pas les fiers non plus. Laurent Wehrli, le syndic, est inquiet: «C’est une grande période d’incertitude qui s’ouvre avec ce non.» Que lit-il dans ce refus? «J’y vois une addition de non. L’aspect architectural n’a pas plu à certains, d’autres ont brandi l’argument populiste d’une hausse d’impôt, quelquesuns y ont sûrement vu un vote complexe, difficile à départager.»
La campagne de la municipalité en faveur du nouveau centre de congrès, elle, a été impossible. La jurisprudence récente du Tribunal fédéral sur les devoirs d’objectivité, de transparence et de proportionnalité dans l’information que les autorités transmettent à leurs citoyens les a empêchées de communiquer à leur guise. «On a reçu des ordres clairs: pas de communication! Face à une municipalité absente, les Montreusiens ont eu peur. C’est un scandale politique cette affaire, mais c’est une autre histoire.» Le syndic préfère remontrer ses manches et imaginer dans les plus brefs délais un projet pour satisfaire le niveau sécuritaire exigé par l’Etablissement cantonal d’assurance (ECA).
Les opposants au projet, représentés par Montreux Libre et les Verts’libéraux, questionnaient durant la campagne le faible intérêt de l’Etat pour la question. Au vu de l’aura mondiale du centre de congrès de Montreux, pourquoi le Conseil d’Etat ne mettrait pas davantage de sa poche, comme il l’a fait pour Beaulieu, une infrastructure similaire? L’aide cantonale pour le projet montreusien se serait élevée à 1,7 million, un montant dérisoire par rapport à ce que doit assumer la commune, fustigeaient-ils.
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