Genève refuse la création d’une assurance dentaire
L’initiative «Pour le remboursement des soins dentaires» a été rejetée à 54,76%. Le PDC veut revenir à la charge avec un projet plus modeste, axé sur la prévention et le dépistage 54,8%
La gauche espérait un sursaut de l'électorat MCG, un élan des classes moyennes inférieures minées par des frais dentaires exorbitants. Cela n'a pas suffi. Avec 54,76% de non, Genève a rejeté l'initiative «Pour le remboursement des soins dentaires» lancée par le Parti du travail. En mars 2018, les Vaudois avaient refusé un projet similaire.
Le texte, soutenu par la gauche et les syndicats, souhaitait créer une «assurance obligatoire pour les soins dentaires de base» financée par un prélèvement paritaire de 1%. Le coût annuel de lancement, entre 150 et 260 millions de francs, a visiblement crispé les fronts. Les «effets pervers» évoqués par la droite et la peur d'une «LAMal bis» ont achevé de décourager les votants.
S'il encaisse la défaite, Jean Batou, député d'Ensemble à gauche au Grand Conseil genevois, souligne le «résultat honorable» obtenu, tout comme le taux de participation élevé (43,83%). Qu'a-t-il manqué à la campagne? «Peut-être aurait-il fallu définir en amont quels soins seraient pris en charge. Et mieux expliquer qu'en réalité 0,5% de la masse salariale cantonale suffisait à financer l'assurance.» Le député pointe aujourd'hui «les moyens financiers presque indécents» des opposants. «Idem pour la mobilisation des dentistes. Sans doute craignaient-ils un contrôle de l'Etat sur leurs tarifs.» La bataille continue néanmoins: «Les dents font partie du corps, il n'y a pas de raison qu'elles soient laissées à la seule charge du patient.»
A droite, le soulagement est de mise. «Les Genevois ont refusé une mauvaise solution à un vrai problème, salue Pierre Conne, député PLR. Une assurance seule n'améliorera pas l'état de santé bucco-dentaire de la population. Derrière des soins remboursés, il y avait surtout le risque de voir les coûts de la santé augmenter.» Au vu du score net mais pas écrasant, il reste prudent: «L'accès aux soins dentaires reste un problème. Il manque un programme de santé publique axé sur la prévention et le dépistage. Ce que le contre-projet, balayé par le Grand Conseil, proposait.»
Le PDC veut le ressusciter. «Notre projet comprend notamment deux détartrages gratuits par an et une prévention après 18 ans», dit Bertrand Buchs, député PDC. Coût estimé: 30 millions. Pour le financer, le parti a déposé une motion taxant les produits sucrés. «Le débat doit aussi avoir lieu au niveau fédéral: il faut réformer la LAMal en incluant les soins dentaires.» Mesures ciblées
Du côté de la profession, la satisfaction du résultat s'accompagne d'une prise de conscience. «Nous souhaitons intensifier la prévention et collaborer avec les autorités pour augmenter les mesures ciblées en faveur des groupes à risque, affirme Martine Riesen, présidente de l'Association des médecins-dentistes genevois. Les personnes âgées, les migrants, les personnes en situation de précarité qui n'ont pas droit aux prestations sociales. On pourrait imaginer une aide financière basée sur le modèle de l'assistance juridique. La balle est dans le camp de l'Etat.»
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