L’unité de l’Espagne embrase la droite
Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dimanche à Madrid contre la politique du gouvernement socialiste de Pedro Sanchez, trop conciliant envers les sécessionnistes, selon la droite et l’extrême droite espagnoles
Au milieu d’une nuée de drapeaux nationaux sang et or, ils sont des dizaines de milliers à réclamer à tue-tête la démission du chef du gouvernement socialiste, Pedro Sánchez, accusé par les droites espagnoles – et certains dirigeants socialistes – de s’agenouiller devant les sécessionnistes catalans. Ce dimanche vers midi, ils ont convergé vers la Plaza de Colon, traditionnel lieu de protestation du nationalisme espagnol, pour exiger la tenue de nouvelles élections. «Nous sommes gouvernés par un dirigeant qui ne pense qu’à ses intérêts personnels, celui de se maintenir au pouvoir coûte que coûte, au mépris de l’unité du pays, s’indigne Juan Manuel, 46 ans, fonctionnaire de la santé. Nous ne laisserons pas faire ça!».
Nouveau référendum contre le budget
La foule manifestante déborde de toutes parts de la place monumentale. Tous les chefs de file de la droite espagnole occupent une position centrale, même s’ils ont préféré ne pas prononcer de discours: Albert Rivera, des centristes libéraux de Ciudadanos, Pablo Casado, du Parti Populaire, ainsi que le sulfureux Santiago Abascal, du parti d’extrême droite Vox, qui réclame, entre autres, une «recentralisation de la nation espagnole» (notamment la suppression des 17 parlements régionaux), la reconduction immédiate des sans-papiers aux frontières ou la fin des lois contre la violence conjugale. Certains dirigeants de Ciudadanos, dont l’ancien premier ministre français – et candidat à la mairie de Barcelone – Manuel Valls, ont admis ne pas être à l’aise en leur compagnie.
Cette mobilisation patriotique intervient dans un contexte politique particulièrement houleux. Alors que, demain, commence le procès des auteurs séparatistes du référendum d’autodétermination illégal du 1er octobre 2017, le gouvernement Sanchez est à couteaux tirés avec le gouvernement sécessionniste de Barcelone: le dirigeant socialiste a impérativement besoin de son soutien pour faire approuver le budget annuel, sans quoi, faute de majorité parlementaire, il sera dans l’obligation de convoquer des élections générales; de l’autre côté, les séparatistes laissent miroiter cet appui – leur réponse est attendue d’ici à ce mercredi — mais maintiennent une condition que le socialiste Sánchez ne veut accepter: la reconnaissance du droit des séparatistes catalans à un nouveau référendum d’autodétermination, cette fois-ci organisé en toute légalité.
Quoique Madrid ait rompu vendredi les pourparlers avec le camp sécessionniste, les droites espagnoles sont persuadées que, aux dires de Pablo Casado, «les socialistes sont en train de brader l’Espagne». Et son porte-parole d’ajouter: «Il est dramatique de voir notre chef du gouvernement trahir les Espagnols.» Cette colère a été accentuée lorsque Pedro Sanchez a accepté jeudi la proposition catalaniste de nommer un «relator», une sorte de rapporteur-médiateur devant veiller sur les pourparlers entre le pouvoir central et l’exécutif catalan. «C’est comme si deux nations en conflit avaient besoin d’un arbitre, a enragé Albert Rivera, de Ciudadanos. Or, une bonne moitié de Catalans se sentent pleinement Espagnols.»
Méga-procès des responsables sécessionnistes
Alors que les sécessionnistes catalans emmenés par Quim Torra ne semblent guère disposés à renoncer à l’autodétermination, la droite se radicalise. Sur la Plaza Colon, ce rassemblement en est l’illustration. «L’Espagne est une grande nation de 47 millions d’habitants, avec une histoire glorieuse d’un demi-millénaire, affirme Jesus, un retraité venu avec ses fils et petits-fils, tous drapés dans l’étendard rouge et jaune. Comme Sánchez se soumet à ses calculs de basse politique, il y a de quoi être inquiet.» A côté de lui, un couple de quadras, Juan et Maria Soledad, réaffirme l’unité des droites: «En attaquant Vox, les dirigeants européens n’ont rien compris. C’est un parti parfaitement démocratique.»
Les manifestants ont convergé vers la Plaza de Colon, traditionnel lieu de protestation, pour exiger la tenue de nouvelles élections.
«Les socialistes sont en train de brader l’Espagne» PABLO CASADO,
PRÉSIDENT DU PARTI POPULAIRE
Après sa performance inattendue aux législatives andalouses (11% des voix, 12 sièges), Vox est la formation montante, d’après tous les sondages. Au point que, auparavant plutôt modéré, le Parti Populaire de Pablo Casado ne cesse de se radicaliser en prenant à son compte certaines revendications des extrémistes. «De peur de voir une partie de son électorat quitter le navire, souligne le politologue Josep Ramoneda, le PP revient sur un programme idéologique autour des valeurs chrétiennes, la famille, l’enseignement privé, la démonisation des immigrés… Un virage qui renforce la polarisation de la politique nationale.» Ce dimanche, ce rassemblement nationaliste a prouvé que les esprits sont à vif. Cette semaine, avec l’ouverture à Madrid du méga-procès des responsables sécessionnistes en prison préventive, risquant jusqu’à 23 ans de réclusion, la tension devrait encore s’accentuer.
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