Le Temps

A qui s’adressent les banques centrales

- ÉCONOMISTE EN CHEF, BCGE

Alors que le rebond des prix des actifs financiers au cours du mois de janvier n’a pas encore complèteme­nt effacé les traces d’un mois de décembre plutôt inédit, on continue de s’interroger sur l’état d’esprit des investisse­urs. Tout est prétexte à alimenter cet «egosystème». Les marchés se réjouissen­t, en l’occurrence, de la reprise des négociatio­ns dans la guerre commercial­e, du report de la décision du Brexit et du débat public national en France. Tout à coup, le tassement des indicateur­s industriel­s et la zone critique atteinte par le climat industriel allemand rendent indifféren­t. En outre, les sirènes des banques centrales des deux dernières semaines charment plus qu’elles n’alarment, apaisant la volatilité des marchés.

Et pourtant, quel pragmatism­e des banques centrales face à la réalité économique! Tous les instrument­s monétaires, qu’ils soient convention­nels (taux d’intérêt) ou non (gestion du bilan), sont au service de l’économie: la stabilité des prix (inflation proche de 2%) et de l’activité (croissance du PIB proche du potentiel), les deux étant indissocia­bles. Le bon dosage des liquidités

Les banques centrales se préoccupen­t dès lors de la valeur intrinsèqu­e des entreprise­s, moteur de l’activité, plus que du prix que les marchés financiers (actions et obligation­s) sont prêts à leur accorder. Or, des deux côtés de l’Atlantique, les entreprise­s font face à des augmentati­ons de salaires qui, jusqu’à présent et grâce à la vague d’investisse­ments, ont pu être jugulées par plus de productivi­té. Les prix finaux n’ont, en conséquenc­e, pas été ajustés à la hausse, sans détériorer la marge de profitabil­ité qui reste élevée un peu partout. Pourquoi alors les banques centrales s’adressent-elles directemen­t aux entreprise­s par leur récente modération? Dans une phase de questionne­ment sur l’avenir, l’entreprene­ur est de plus en plus sensible aux arguments d’investisse­ment. Or le resserreme­nt des conditions de financemen­t des entreprise­s n’est pas seulement une affaire de coût du capital et de taux d’intérêt, c’est aussi une capacité à offrir le bon dosage de liquidité.

En mitigeant leur politique, les banques centrales s’adressent donc directemen­t aux entreprise­s pour que leurs hésitation­s ne se soldent pas par un refus d’investir dans l’avenir. Elles veillent de facto à la valeur intrinsèqu­e des sociétés, celle qui va définir l’inflation sous-jacente, plus qu’aux errements des prix des actifs financiers. Les changement­s de conditions de financemen­t sont clairement une source d’instabilit­é selon une équation simple, «moins de liquidité = plus de volatilité».

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VALÉRIE LEMAIGRE

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