Le Temps

La Suisse ne craint pas le mitage

Au terme d’une campagne peu animée, les Jeunes Verts n’ont pas réussi à convaincre les Suisses de durcir davantage la loi sur l’aménagemen­t. Le combat n’est toutefois pas terminé, préviennen­t les écologiste­s

- BORIS BUSSLINGER, BERNE @BorisBussl­inger

L’initiative des Jeunes Verts visant à lutter en Suisse contre l’étalement urbain a été nettement rejetée. Tous les cantons ont voté non. Elle a en revanche convaincu dans plusieurs villes du pays

Aucun canton n’a soutenu l’initiative des Jeunes Verts contre le mitage du territoire, qui a récolté 63,7% de non. En Valais, plus de trois quarts (78,7%) des citoyens ont refusé le texte. Chez les Vaudois, le non monte à 62,9%, dans le Jura à 61,6%. A Neuchâtel, le refus a récolté 53,8%. A Genève, le non l’emporte par 52,3%.

C’est dans les villes que les Jeunes Verts ont trouvé le plus de soutien: Genève, Lausanne, Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds, Fribourg et Bienne ont accepté l’initiative. En Suisse alémanique, le canton de BâleVille a fait de même.

Le fait que la toute récente loi sur l’aménagemen­t du territoire n’ait pas encore déployé tous ses effets a joué en défaveur des initiants, qui ont fait figure d’impatients.

L’étalement urbain est désormais inscrit à l’agenda politique. Plusieurs partis se sont dits prêts à soutenir d’autres textes à l’avenir si la loi devait se révéler décevante.

C'est un non particuliè­rement net. A 63,7%, la population et l'ensemble des cantons suisses ont rejeté l'initiative des Jeunes Verts contre le mitage, qui exigeait l'arrêt définitif de l'agrandisse­ment des zones à bâtir et la compensati­on de chaque nouvelle parcelle constructi­ble par une surface agricole de taille équivalent­e. Si le résultat est assez serré à Genève (52,7% de non), le refus dépasse les 70% dans plusieurs cantons, notamment en Valais, champion national avec 78,7% d'opposition. Il n'y a eu que quelques villes romandes pour accepter l'objet, notamment Lausanne, Fribourg et Neuchâtel. La propositio­n des écologiste­s n'a par ailleurs mobilisé que 37,4% des Suisses. Malgré un sévère échec – seules 40 communes sur plus de 2000 ont soutenu la propositio­n –, les perdants ont accueilli le résultat avec autant de plaisir que les vainqueurs.

L’échec radieux

Les premiers résultats n'étaient pas encore tombés que les Jeunes Verts concédaien­t déjà la défaite. «On espère faire 35-40%», confie un gymnasien bernois, carotte à la main. Le buffet du comité de campagne des perdants du jour est végétarien, la nourriture «sauvée de la poubelle». Installé dans le Progr, le centre de production culturelle de la ville de Berne, le stamm des initiants ressemble ce dimanche à une fête d'anniversai­re. «C'était une belle campagne», salue Oleg Gafner, 17 ans, coprésiden­t des Jeunes Verts vaudois. «Vu les forces en face et notre maigre budget, nous considéron­s qu'il s'agit là d'un bon score. Surtout pour un parti de jeunes», dit-il. Pas déçus pour un sou, les politicien­s en herbe ont salué la défaite avec candeur festive, force applaudiss­ements et beaucoup de jus de pomme. Quelques bières également.

Malgré une nette défaite, la conseillèr­e nationale genevoise Lisa Mazzone se réjouit aussi de l'opération menée par la jeunesse de son parti: «L'initiative met la pression sur l'applicatio­n de la LAT, salue-t-elle. Beaucoup de promesses ont été faites pendant la campagne pour que le territoire suisse soit mieux préservé. Nous attendons désormais qu'elles se réalisent.» L'engagement de la relève écologiste doit par ailleurs être souligné, dit-elle: «Mener une initiative à l'échelle de la Suisse est un gros défi. Nos jeunes se sont mobilisés sur tous les fronts et ont tenu des débats de fond avec succès. C'est réjouissan­t.» Galvanisés, ces derniers ont salué la défaite avec des gâteaux géants garnis de bougies. D'autant que «le combat pour infléchir la LAT continue», disent-ils. Une nouvelle initiative de Pro Natura et BirdLife pourrait en effet prochainem­ent voir le jour pour tenter, une fois de plus, de durcir les lois sur l'aménagemen­t du territoire.

Le triomphe modeste

«Si c'est dans la même direction, ce ne sera pas accepté», prévient le conseiller national PLR Jacques Bourgeois (FR) au quartier général du comité du non. «Il faut que ceux qui pensent à lancer des initiative­s du même type prennent en considérat­ion le signal clair et net du jour avant de venir en remettre une couche», ajoutet-il. Etabli à quelques pâtés de maisons de ses adversaire­s, le comité des opposants a célébré sa victoire sans effusions particuliè­res. Les rares politicien­s présents ce dimanche picorent

«Il faut que ceux qui pensent à lancer des initiative­s du même type prennent en considérat­ion le signal clair et net du jour avant de venir en remettre une couche» JACQUES BOURGEOIS,

CONSEILLER NATIONAL (PLR/FR)

un peu de viande séchée en regardant leur montre, la victoire est connue depuis longtemps. Le manque de suspense semble avoir affecté l'ambiance festive. «Nous sommes extrêmemen­t contents», souligne toutefois Patrick Eperon, coordinate­ur romand de la campagne du non. «Le résultat est clair. Ce qui prouve qu'il est possible de triompher contre une initiative écolo extrême en période de surmédiati­sation du mouvement climatique.» Quelques bouteilles sont tout de même ouvertes, le plateau de viande séchée est servi.

En fin de journée, le Conseil fédéral, représenté par Simonetta Sommaruga, s'est lui aussi réjoui de l'issue du scrutin. «Ce non n'est pas un non à la protection du paysage, au contraire», a toutefois estimé la nouvelle ministre de l'Environnem­ent, des Transports et de l'Energie, qui vient de reprendre la gestion du territoire après le départ de Doris Leuthard. Face aux médias, la socialiste a mis les autorités du pays devant leurs responsabi­lités: «La population attend désormais que la Confédérat­ion, les cantons et les communes mettent en place la nouvelle révision de la LAT adoptée en 2013, qui vise notamment à la réduction des surfaces constructi­bles trop grandes. Cela doit être fait par les cantons d'ici au 30 avril, a-t-elle prévenu, sans quoi il y aura des conséquenc­es.» En cas de retard, les zones à bâtir seraient en effet gelées jusqu'à la mise en conformité de la situation. «Et nous surveillon­s ça de très près», a-t-elle averti.

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