Le Temps

Avoir toujours 20 ans

- ADRIÀ BUDRY CARBÓ @AdriaBudry

Génération climat. Mais aussi génération EasyJet, week-end à Barcelone et shopping à Londres. Tout a été dit sur les contradict­ions de cette marée d’étudiants qui a battu, début février, le pavé des principale­s villes de Suisse pour réclamer des mesures environnem­entales.

Le summum de la niaiserie est atteint avec la convocatio­n d’adolescent­s dans les hautes sphères internatio­nales, venus faire la leçon aux adultes, qui sur le climat en général, qui sur les emballages plastique. C’est que le jeune a la lourde tâche d’incarner le progrès dans une société qui ne croit plus au progrès, soutient Vincent Cocquebert dans son ouvrage Millennial Burn-Out, qui démonte les constructi­ons marketing de la guerre des génération­s.

S’il remet en question les clichés dans son livre, Vincent Cocquebert les renforce lorsqu’il est rédacteur en chef de Twenty Magazine. Il a lui-même une rubrique témoignage­s sobrement intitulée «La parole brute, canalisée mais sans filtre d’une génération», qui fait la part belle au #toutplaque­r. Millennial­s, génération­s X, Y ou Z: à défaut d’être rassembleu­rs, les concepts sont porteurs, efficaces. Dans toutes les conférence­s, ils sont devenus des idéal-types que plus personne (ou presque) ne prend la peine de remettre en cause.

Les uns: baby-boomers et héritiers des Trente Glorieuses, censés représente­r le consuméris­me et le gaspillage d’un monde fini. Les autres: nés avec la révolution internet, le narcissism­e et la génération «j’ai le droit».

C’est que, comme le dit le journalist­e, la «fabrique des millennial­s» a ses gourous à 20000 francs la conférence, ses think tanks et ses réflexions prêt-à-porter. Derrière les grandes assertions sur la génération start-up, slasheurs ou entreprene­urs, on retrouve d’ailleurs des cabinets de recrutemen­t, de marketing ou ces mêmes multinatio­nales qui les exploitent à coups de promesses de contrats à durée déterminée.

Le Temps n’échappe pas non plus aux poncifs sur les génération­s. Analytique­ment, il est vrai qu’il est plus facile de chercher des traits communs, de chercher à asseoir de grandes tendances. Mais l’épisode climatique de début février devrait nous interpelle­r. Au lieu d’évoquer les supposées contradict­ions des jeunes, ne devrions-nous pas nous interroger sur nos grilles de lecture?

L’invention des génération­s X, Y ou Z a figé le débat, essentiali­sant les «jeunes» et les «vieux», les enfermant dans des caractéris­tiques qu’ils sont supposés porter toute leur vie. Comme si l’on pouvait toujours avoir 20 ans.

La rédaction du Temps a aussi vécu une longue séance sur la prétendue désaffecti­on des «jeunes» – les Z, cette fois – pour les multinatio­nales. Elle avait démarré à la suite des propos du représenta­nt d’une grande banque suisse craignant de ne plus être assez attractive pour cette génération.

Il est probable que la génération connectée demandera plus de flexibilit­é, de travail à la maison et sera plus regardante sur la réputation de son entreprise. Mais notons quand même que la sulfureuse banque d’investisse­ment Goldman Sachs reçoit jusqu’à 250 000 candidatur­es par an pour ses stages d’été à l’ancienne.

L’invention des génération­s X, Y ou Z a figé le débat

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland