Avoir toujours 20 ans
Génération climat. Mais aussi génération EasyJet, week-end à Barcelone et shopping à Londres. Tout a été dit sur les contradictions de cette marée d’étudiants qui a battu, début février, le pavé des principales villes de Suisse pour réclamer des mesures environnementales.
Le summum de la niaiserie est atteint avec la convocation d’adolescents dans les hautes sphères internationales, venus faire la leçon aux adultes, qui sur le climat en général, qui sur les emballages plastique. C’est que le jeune a la lourde tâche d’incarner le progrès dans une société qui ne croit plus au progrès, soutient Vincent Cocquebert dans son ouvrage Millennial Burn-Out, qui démonte les constructions marketing de la guerre des générations.
S’il remet en question les clichés dans son livre, Vincent Cocquebert les renforce lorsqu’il est rédacteur en chef de Twenty Magazine. Il a lui-même une rubrique témoignages sobrement intitulée «La parole brute, canalisée mais sans filtre d’une génération», qui fait la part belle au #toutplaquer. Millennials, générations X, Y ou Z: à défaut d’être rassembleurs, les concepts sont porteurs, efficaces. Dans toutes les conférences, ils sont devenus des idéal-types que plus personne (ou presque) ne prend la peine de remettre en cause.
Les uns: baby-boomers et héritiers des Trente Glorieuses, censés représenter le consumérisme et le gaspillage d’un monde fini. Les autres: nés avec la révolution internet, le narcissisme et la génération «j’ai le droit».
C’est que, comme le dit le journaliste, la «fabrique des millennials» a ses gourous à 20000 francs la conférence, ses think tanks et ses réflexions prêt-à-porter. Derrière les grandes assertions sur la génération start-up, slasheurs ou entrepreneurs, on retrouve d’ailleurs des cabinets de recrutement, de marketing ou ces mêmes multinationales qui les exploitent à coups de promesses de contrats à durée déterminée.
Le Temps n’échappe pas non plus aux poncifs sur les générations. Analytiquement, il est vrai qu’il est plus facile de chercher des traits communs, de chercher à asseoir de grandes tendances. Mais l’épisode climatique de début février devrait nous interpeller. Au lieu d’évoquer les supposées contradictions des jeunes, ne devrions-nous pas nous interroger sur nos grilles de lecture?
L’invention des générations X, Y ou Z a figé le débat, essentialisant les «jeunes» et les «vieux», les enfermant dans des caractéristiques qu’ils sont supposés porter toute leur vie. Comme si l’on pouvait toujours avoir 20 ans.
La rédaction du Temps a aussi vécu une longue séance sur la prétendue désaffection des «jeunes» – les Z, cette fois – pour les multinationales. Elle avait démarré à la suite des propos du représentant d’une grande banque suisse craignant de ne plus être assez attractive pour cette génération.
Il est probable que la génération connectée demandera plus de flexibilité, de travail à la maison et sera plus regardante sur la réputation de son entreprise. Mais notons quand même que la sulfureuse banque d’investissement Goldman Sachs reçoit jusqu’à 250 000 candidatures par an pour ses stages d’été à l’ancienne.
L’invention des générations X, Y ou Z a figé le débat