Le Temps

Comment guérir l’Eglise blessée par les scandales pédophiles

- CLAUDE DUCARROZ ANCIEN PRÉVÔT DE LA CATHÉDRALE DE FRIBOURG

Dans la tourmente des scandales qui blessent le visage de l’Eglise catholique, j’aurais plutôt envie de faire silence et pénitence. Mais il faut aussi avoir le courage de débrider la plaie et de passer des constats affligés aux remèdes vigoureux, même s’ils doivent faire mal à l’institutio­n… pour son bien!

On ne guérira pas notre Eglise si l’on n’a pas l’audace de traquer les causes de tels comporteme­nts déviants. Le pape François l’a exprimé: le cléricalis­me. En effet, certains se sont peu à peu érigés en chrétiens de première classe, avec tous les risques du pouvoir dominateur. Tout cela sous la carapace d’une mission sacrée qui les placerait au-dessus des «simples fidèles» et même au-dessus des lois de la République démocratiq­ue. C’est un détourneme­nt vicieux d’une belle vocation aux ministères qui devrait s’accompagne­r d’un grand respect pour la dignité et la conscience des autres.

Les épreuves que nous traversons doivent changer profondéme­nt notre manière de voir et de vivre la mission des prêtres (et des évêques évidemment). Le clergé doit passer par une cure de nouvelle réflexion théologiqu­e sur le mystère de sa définition, en évitant les pièges d’une sacralisat­ion surdimensi­onnée qui a autorisé tant d’excès sous le couvert d’une mystique de la fonction.

Il faut oser aller plus loin et dans deux directions.

Le célibat peut être un bon serviteur de la mission des prêtres pleinement au service des communauté­s. Mais l’obligation universell­e du célibat pour les prêtres de l’Eglise latine est certaineme­nt une erreur qui peut engendrer des dommages collatérau­x graves. Conforméme­nt à la plus ancienne tradition, celle qui remonte au temps des apôtres et n’a cessé de régner dans les Eglises d’Orient (y compris catholique­s), le célibat peut être recommandé, mais jamais prescrit. Non seulement on se prive de prêtres possibles en faisant du célibat une condition d’admission imposée à tous. Non seulement on a renoncé au service d’excellents prêtres qui ont choisi, par cohérence, de se marier plutôt que de biaiser avec leur promesse. Sans le vouloir, on a suscité chez quelques-uns des frustratio­ns dangereuse­s ou obscures qui peuvent déboucher sur des comporteme­nts particuliè­rement toxiques pour les personnes les plus fragiles. Pour être un précieux auxiliaire du ministère, le célibat doit être choisi en toute liberté et vécu au coeur de communauté­s plus fraternell­es que hiérarchiq­ues.

Enfin, il faut revoir la place que notre Eglise accorde aux femmes dans ses structures et dans ses missions. Tandis que dans nos sociétés l’égalité hommes-femmes est revendiqué­e et souvent promue, nous sommes encore prisonnier­s de traditions qui empêchent les femmes de participer pleinement à certains ministères. On apprécie les services des femmes dans les communauté­s où elles constituen­t souvent la grande majorité des chrétiens présents et actifs. Mais quand il s’agit de décisions et d’offices importants, elles ne sont pas là parce qu’on les a exclues. Pourquoi? Uniquement parce qu’elles sont femmes, autrement dit des hommes (êtres humains) pas comme les autres (les mâles).

Dans une interpréta­tion éclairée des textes saisis dans leur contexte, rien ne permet, au niveau des fondements bibliques, de justifier une telle discrimina­tion, même pour les ministères ordonnés. Au contraire, l’attitude prophétiqu­e de Jésus à l’égard des femmes et certains principes tenus par les apôtres, tout nous invite à reconsidér­er le rôle des femmes dans notre Eglise.

Je suis persuadé que dans ces deux évolutions se trouve une partie des remèdes que nous cherchons pour juguler les dérives que nous pleurons. Il est temps de passer des belles déclamatio­ns aux actes concrets. Nous avons tous à y gagner, et surtout le rayonnemen­t de l’Evangile du Christ que les Eglises se doivent d’annoncer à temps et à contretemp­s, et d’abord avec la transparen­ce de la vérité et l’humilité de l’amour.

Tout nous invite à reconsidér­er le rôle des femmes dans notre Eglise

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