Jugé cancérigène, le Roundup continue d’empoisonner Bayer
Après avoir essuyé un nouveau revers judiciaire aux Etats-Unis, où un jury a estimé que le désherbant Roundup de sa filiale Monsanto avait contribué au cancer d’un septuagénaire, le géant allemand a vu son action s’effondrer en bourse
En septembre dernier, le patron de Bayer disait n’avoir «aucun regret» à propos du rachat de l’américain Monsanto. Werner Baumann publiait alors un avertissement sur les bénéfices du groupe allemand. La cause: cette acquisition à 63 milliards de dollars, ayant elle-même déjà été difficile à faire valider par les autorités réglementaires. Il venait en outre de subir un revers juridique promettant encore une série de poursuites judiciaires. Puis, en novembre, le groupe annonçait la suppression de 12000 emplois à travers le monde, soit 10% des effectifs.
Pense-t-il toujours la même chose six mois plus tard, alors qu’un jury américain vient de déclarer unanimement que le désherbant Roundup, créé par Monsanto, est un «facteur substantiel» dans l’apparition du cancer d’un septuagénaire, Edwin Hardeman? La responsabilité de Monsanto, donc de Bayer, sera évaluée dans la deuxième phase de ce procès, qui débutait ce mercredi. Ce dernier est essentiel, dans la mesure où son verdict servira certainement de modèle pour des centaines d’autres cas en attente.
Des dizaines de milliers de procédures en cours
En août dernier, un autre tribunal américain avait condamné le groupe à verser 289 millions de dollars à un jardinier atteint d’un cancer. L’amende avait ensuite été réduite à 78 millions, mais sans influencer le fond de l’affaire, c’està-dire les considérations sur l’impact du produit sur la santé du plaignant. Et Bayer n’est qu’au début de ses démêlés légaux: quelque 11200 procédures seraient en cours aux Etats-Unis concernant le Roundup, selon un décompte de l’agence Reuters. L’addition pourrait donc être
Le rachat de Monsanto a été approuvé par l’assemblée générale de Bayer fin mai 2018. Depuis, les démêlés judiciaires s’accumulent pour le groupe allemand. Il pourrait devoir débourser plus de 20 milliards d’euros au total.
Manque de chance pour Bayer, le nombre d’affaires judiciaires en cours fait que le nom de Monsanto ne cesse de ressurgir
particulièrement salée pour le géant agrochimique. Les marchés l’ont d’ailleurs estimée à plus de 20 milliards d’euros.
Ce n’est évidemment pas le Roundup, lancé en 1976 et qui n’est plus sous licence, qui intéressait Bayer, mais les semences OGM que l’entreprise de Saint-Louis a développées. Pour la société allemande, qui s’est empressée de supprimer le sulfureux nom de Monsanto du groupe fusionné, le rapprochement devait servir à pouvoir régater dans le marché mondial des semences, alors que le bâlois Syngenta venait d’être racheté par ChemChina et que les américains Dow et DuPont avaient allié leurs forces. Ensemble, les trois groupes contrôlent deux tiers du marché mondial des semences et des pesticides.
«Nous sommes déçus»
Manque de chance, le nombre d’affaires en cours fait que le nom de Monsanto ne cesse de ressurgir. «Nous sommes déçus», ont communiqué les responsables du groupe Bayer, basé à Leverkusen et aux 40 milliards d’euros de chiffres d’affaires, qui continuent à penser que le glyphosate n’est pas dangereux. La bourse a, elle, montré plus que de la déception: le titre perdait plus de 10% mercredi.
Depuis juin et la réalisation de cette fusion, la plus chère et considérée comme la plus dangereuse de l’histoire économique allemande, tant la réputation de la proie américaine est exécrable, le titre a perdu plus d’un tiers de sa valeur. En fait, à l’automne 2016, l’annonce du rapprochement, d’ailleurs surnommé les «noces du diable», elle-même avait été accueillie avec scepticisme par les experts et les marchés.
Au moment du rachat, pour lequel le groupe allemand avait dû relever son offre trois fois, avant de parvenir à ses fins, Bayer estimait que les produits de Monsanto allaient s’avérer essentiels pour nourrir la planète et pensait pouvoir éclipser les controverses liées au glyphosate. Car si ce dernier a été considéré comme inoffensif pendant des décennies et validé par les régulateurs européens et américains, des études le remettant en cause ont émergé bien avant que Bayer ne jette son dévolu sur Monsanto. L’Organisation mondiale de la santé a notamment décrété, en 2015 déjà, que l’herbicide le plus utilisé autour du globe était «probablement cancérigène».
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