TERRORISME: LE CHOIX DES MOTS
NOTRE TRAITEMENT DE L’ATTAQUE EN NOUVELLE-ZÉLANDE A SUSCITÉ DES INTERROGATIONS. NOTRE RÉPONSE
Qualifier l’horreur. Après une attaque, les médias ont la mission délicate de mettre des mots sur une réalité brute et terrible. L’attentat en Nouvelle-Zélande, perpétré par un suprémaciste blanc, a fait 50 morts. Un massacre diffusé pendant dix-sept longues minutes sur Facebook. Mardi, nous avons consacré un article à la réaction du réseau social face à la propagation de tels contenus. Avec ce titre: «Tuerie en Nouvelle-Zélande: la suppression de 1,5 million de vidéos par Facebook, une première».
Ce choix a interloqué un lecteur. «Bonjour, pourrait-on connaître la réflexion de la rédaction du Temps pour ne pas utiliser les termes «d’attentat terroriste» et de «terroriste» pour cet acte en Nouvelle-Zélande?» a-t-il écrit sur la page Facebook du journal. La question est légitime. Les deux termes n’apparaissent ni dans le titre, ni dans le texte de présentation publié sur le réseau social où l’auteur des faits est qualifié de «tueur». Nous aurions en effet pu en faire mention au moment du partage.
En revanche, dès les premières lignes de l’article, le mot «attentat» est utilisé. Et le mot clé «terrorisme» est rattaché à ce contenu. En cliquant dessus, l’internaute retrouve des articles sur cette attaque et d’autres actions violentes.
Cette demande de précision de notre lecteur résonne avec le soupçon diffusé ces derniers jours sur les réseaux sociaux: les médias auraient de la peine à qualifier de terroriste une attaque issue de l’extrême droite alors qu’ils ne se privent pas d’utiliser cette terminologie lors de violences djihadistes.
DILEMME DE LA TERMINOLOGIE
Alors, à partir de quand peut-on parler de «terrorisme»? «Les rédactions sont depuis des années aux prises avec ce casse-tête. Si le rejet de la violence terroriste est unanime, cette position éthique ne résout pas le dilemme de la terminologie», avance un manuel de l’Unesco pour les journalistes baptisé Les médias face au terrorisme.
Publié en 2017, le document donne une définition du terrorisme en se basant sur les travaux de Susan Moeller, autrice de Packaging
Terrorism. La chercheuse américaine avance trois critères: le ciblage délibéré des civils, la volonté de marquer l’opinion publique et le message politique. Ces éléments correspondent au profil du tueur de Christchurch. Il a fait feu dans deux mosquées, a diffusé son acte en direct sur internet et a publié un manifeste intitulé
Le grand remplacement, une théorie répandue par l’écrivain français d’extrême droite Renaud Camus. Le Temps fonde ses articles sur des faits avérés. Dans ce cas de figure, la dimension terroriste ne faisait aucun doute.