Le Temps

Comment Disney surexploit­e la nostalgie

- VIRGINIE NUSSBAUM @Virginie_Nb

Dès les premières secondes, on se retrouve scotchés, gorge nouée. Impossible de rester de marbre devant ce pachyderme aux yeux mouillés et aux oreilles démesurées. Les premières images du remake de Dumbo signé Tim Burton vendent du rêve: un casting solide – Colin Farrell, Eva Green –, un éléphant bluffant de réalisme et quelques-unes des chansons cultes de ce Disney né en 1941.

Je me réjouis davantage qu’il n’est admis de redécouvri­r les mésaventur­es de Mme Jumbo et de son bébé volant la semaine prochaine. Et pourtant, je sens aussi poindre une certaine lassitude. Sûrement parce que Dumbo s’inscrit dans une longue, trop longue, lignée de dessins animés adaptés à la sauce «modernité». Depuis la revisite d’Alice au pays des merveilles en 2010, on les a vus défiler: Maleficent en 2014 (en gros, La Belle au

bois dormant du point de vue du méchant), Cendrillon en 2015, Le livre de la jungle en 2016, La belle et la bête l’année suivante. Sans compter qu’Aladdin (avec Will Smith en grotesque génie bleu à barbichett­e), Mulan ou encore Le roi lion ont déjà été annoncés.

Alors, en manque d’inspiratio­n, les studios Disney? Fins calculateu­rs, plutôt. Car la plupart de ces production­s sont devenues de solides succès commerciau­x, et ça continue: en novembre dernier, la bande-annonce du Roi lion a cumulé 225 millions de vues en une journée. A parier que les cinémas seront bourrés cet été. Si certains remakes offrent une lecture nouvelle de ces classiques, Le roi lion apparaît au contraire comme une pure photocopie, image par image, du dessin animé de base. Avec une bonne dose d’effets spéciaux léchés par-dessus. C’est joli mais franchemen­t, a-t-on vraiment envie de voir un Simba ultra-réaliste entonner Hakuna Matata?

Et pourtant, ça marche. Parce qu’au moment où le premier «Naah-tsivenia-babadi-tsibaba» – mon zoulou approximat­if – retentit, elle frissonne et se réveille, la nostalgie. En particulie­r celle des enfants de 1990, biberonnés comme moi aux Disney, à ces VHS poussiéreu­ses devenues de véritables madeleines de Proust. «N’oublie pas», professe Mufasa à la fin de la bande-annonce. Rassurez-vous, nous n’avons rien oublié, et c’est justement pour ça que nous achèterons, comme tout le monde, notre billet.

Ces reconstitu­tions permettron­t à une nouvelle génération d’apprécier les histoires qui ont bercé leurs parents, direz-vous. Mais je trouve trop facile, et paresseux, de jouer sur la mélancolie précoce des millennial­s pour faire tourner la machine. C’est autant de temps et d’argent qui auraient pu être investis pour inventer le classique de demain.

«N’oublie pas», professe Mufasa dans la bande− annonce. Rassurez− vous, nous n’avons rien oublié

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland