Le Temps

La droite européenne sanctionne Viktor Orban

- SOLENN PAULIC, BRUXELLES

Le premier ministre hongrois a écopé mercredi d’une mesure de suspension du Parti populaire européen. Sa formation, le Fidesz, n’est pas exclue mais sera privée temporaire­ment du droit de vote et devra cesser le dénigremen­t systématiq­ue de l’UE

Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, se sera battu, son entourage ayant même fait planer un temps la menace d’un départ volontaire du Parti populaire européen (PPE). Mais la parade n’a pas fonctionné. Même s’il a d’abord contesté le texte sur la table puis réussi à en modifier la formulatio­n pour s’y donner un rôle positif, il n’a pas pu renverser la donne: 190 délégués contre 3 ont voté mercredi pour suspendre son parti avec effet immédiat et jusqu’à nouvel ordre.

Une «bonne décision», a jugé peu après le principal intéressé. Pour lui, l’«unité» de la famille est préservée avec cette action prise «conjointem­ent», et le PPE a montré qu’il ne voulait pas «se séparer» de lui. Viktor Orban pourra aussi continuer à défendre le respect des valeurs chrétienne­s et continuer à lutter contre l’immigratio­n irrégulièr­e, la résolution votée ne portant pas sur ces thématique­s.

Viktor Orban n’est certes pas exclu du parti – un scénario que personne n’envisageai­t la veille du vote – mais il est sanctionné, ce qui peut être vécu comme une humiliatio­n. Concrèteme­nt, le Fidesz va perdre son droit de vote, ne pourra pas proposer de candidats à certains postes ni assister aux réunions du parti. Et cela probableme­nt jusqu’après les élections européenne­s.

Sous la surveillan­ce d’un «comité des sages»

Viktor Orban et son parti devront donc, dans les prochaines semaines, cesser toute campagne d’affichage agressive contre la Commission ou son président, Jean-Claude Juncker – et cesser les campagnes plus générales de dénigremen­t systématiq­ue de l’UE. Mais le Hongrois devra aussi clarifier le statut de l’Université d’Europe centrale à Budapest, qui a dû déplacer certains de ses cursus à Vienne après le refus d’autoriser le fonctionne­ment normal de l’établissem­ent fondé par George Soros.

Autre volet de la décision: la formation hongroise sera soumise à l’évaluation – et au rapport – d’un «comité des sages» chargé de vérifier le respect de ces critères et l’état plus général des libertés fondamenta­les dans le pays. Trois hommes feront office de grands sages, dont l’ancien président du Conseil européen Herman Van Rompuy, l’ancien président du Parlement européen HansGert Pöttering et l’ancien chancelier autrichien Wolfgang Schüssel – qui avait lui-même fait les frais d’une suspension pour s’être acoquiné dans les années 2000 avec le FPÖ de Jörg Haider.

Trop c’est trop, semblent donc désormais penser une majorité de membres du PPE, à commencer par la cheffe de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbaue­r, qui aurait haussé le ton contre lui pendant la réunion. Les Républicai­ns français ont aussi été en mesure de soutenir cette décision car elle ne conteste pas la politique migratoire menée par le Hongrois. Le parti français est également satisfait que le Hongrois, même suspendu temporaire­ment, reste «dans la famille».

La possibilit­é d’une exclusion est-elle donc définitive­ment abandonnée? Pour le candidat à la succession de Jean-Claude Juncker, l’Allemand Manfred Weber – qui devait donner des gages aux autres formations politiques européenne­s dont il pourrait avoir besoin après les élections –, l’«exclusion reste toujours sur la table». Le dirigeant hongrois l’a lui aussi reconnu: même s’il s’est engagé à faire campagne pour le candidat allemand, il a dit dans le même temps que la question de l’affiliatio­n au PPE se reposerait au Fidesz, mais «pas avant les élections européenne­s».

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VIKTOR ORBANPREMI­ER MINISTRE HONGROIS

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