Le Temps

Les Vingt-Sept sont favorables, en principe, à un report du Brexit

- SOLENN PAULIC, BRUXELLES

Les dirigeants européens disposent avec la lettre de Theresa May d’une requête cette fois un peu plus précise. Réunis ce jeudi à Bruxelles, ils examineron­t sa demande, mais ont déjà prévenu qu’une extension ne serait pas automatiqu­e

Les Vingt-Sept et le négociateu­r de l’UE Michel Barnier l’ont martelé tous ces derniers jours: une extension, oui, mais «pour quoi faire?», comme l’a demandé Michel Barnier le 19 mars. Si c’est «pour revenir au même point de départ», comme il le redoute, Theresa May pourrait ainsi avoir quelques difficulté­s à convaincre ses partenaire­s. Mais si c’est pour réussir un troisième vote, alors ce sera oui, comme l’a signalé hier le Polonais Donald Tusk. Réunis ce jeudi à Bruxelles, ils pourraient toutefois aussi décider de ne pas décider… et se réunir une nouvelle fois la semaine prochaine si besoin, éventuelle­ment après la tenue d’un troisième vote à Londres.

L’échéance des élections européenne­s

Une extension courte avec un vote positif resterait, à première vue, le scénario le moins ennuyeux pour eux. Il s’agirait alors d’octroyer plus de temps au Royaume-Uni pour faire passer la législatio­n nécessaire; les deux parties se quitteraie­nt en termes à peu près corrects, le «no deal» étant évité et les Britanniqu­es n’ayant pas non plus à participer aux élections européenne­s.

Mais voilà: la Commission y a déjà vu un problème. Pour elle, il n’est pas envisageab­le d’aller au-delà du 23 mai, date du premier jour du scrutin européen, sans mettre en péril l’intégrité des institutio­ns européenne­s.

Du côté des Vingt-Sept, l’on considérai­t jusqu’à présent que le Parlement européen et les institutio­ns étaient à l’abri de contestati­ons juridiques jusqu’au 2 juillet, date de la première session du nouveau Parlement européen. Les Vingt-Sept pourraient donc jeudi après-midi discuter aussi de ce risque juridique.

Au-delà de cette question légale et de calendrier, l’une des véritables questions posées jeudi sera la suivante: comment Mme May compte-t-elle s’y prendre pour convaincre son parlement d’adopter un accord par deux fois rejeté? Et comment éviter qu’au 23 mai comme au 30 juin, on ne bascule pas tout de même dans un «no deal»? «On n’en a, c’est vrai, aucune garantie», confie un diplomate.

Pour lui, si prolonger la période de négociatio­ns ne fait les affaires de personne et perpétue l’incertitud­e politique, économique comme psychologi­que, il est assez certain que «la perspectiv­e d’un succès au 30 juin plutôt que d’un échec au 29 mars» amènera les Vingt-Sept à donner une évaluation positive à la requête de Mme May.

Et après?

Mais au-delà du 30 juin, que feront-ils? En cas d’échec au parlement britanniqu­e, la dirigeante britanniqu­e pourra toujours revenir vers les Vingt-Sept pour leur demander une nouvelle extension, ce que l’article 50 du traité n’interdit pas. Avant le 12 avril, date limite pour Londres pour décider de participer à un scrutin européen malgré tout, elle pourrait ainsi encore demander une extension longue, même si Mme May a dit que ce n’était pas son souhait. Dans ce contexte, le Royaume-Uni serait obligé de tenir des élections européenne­s, ce qui n’est pas une panacée pour les Vingt-Sept, qui veulent enfin pouvoir mettre le Brexit derrière eux.

Et si Mme May attendait jusqu’au 30 juin pour demander une ultime extension? Les choses seraient alors encore plus alambiquée­s. Le pays serait déjà en violation des règles en n’ayant pas organisé de scrutin européen et, dans ce cas, des questions beaucoup plus profondes se poseraient au gouverneme­nt britanniqu­e. S’il veut une nouvelle extension, éventuelle­ment plus longue, quelle sera la stratégie politique interne du pays? Convoquer de nouvelles élections? Abandonner le projet Brexit? Un second référendum? Pour certains pays, le «no deal» pourrait alors très bien à ce moment-là être un résultat presque inévitable.

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