Le Temps

Corina Gredig, la politique en mode start-up

Les Vert’libéraux pourraient réaliser une percée dans les urnes lors des élections cantonales de ce dimanche. Rencontre avec la coprésiden­te de ce parti, qui se veut toujours plus jeune et plus urbain

- CÉLINE ZÜND, ZURICH @celinezund

Corina Gredig donne rendez-vous à Kraftwerk, une ancienne centrale électrique transformé­e en café, restaurant et espace de coworking. L’incubateur d’entreprene­urs Impact Hub y a pris ses quartiers. Coprésiden­te du parti vert’libéral, candidate au Grand Conseil zurichois, la jeune femme apprécie surtout le coin canapé, «idéal pour les séances de travail». Tandis que les baristas sculptent des vagues dans la mousse de lait, des individus s’affairent au-dessus du bar dans des containers vitrés transformé­s en bureaux, empilés les uns sur les autres. Bière locale, café issu du commerce équitable torréfié à Zurich: de quoi ravir les travailleu­rs nomades rivés à leurs écrans qui peuplent cet endroit et représente­nt la cible électorale par excellence des Vert’libéraux.

Né en 2004, le plus zurichois des partis a fait son entrée au parlement cantonal avec dix sièges obtenus d’un coup en 2007. Depuis, cette formation a connu des hauts et des bas: percée au Conseil national en 2011 sous l’effet Fukushima, débâcle en 2015. Au cours des deux dernières années, les Vert’libéraux ont progressé dans plusieurs cantons, mais restent un phénomène très alémanique. Les observateu­rs s’accordent pour dire que dans leur biotope zurichois, ils feront partie des gagnants ce dimanche, lors des élections cantonales.

Son dernier «coup» politique lui a valu un regain d’attention fin février. Chantal Galladé, ancienne conseillèr­e nationale socialiste, à gauche depuis trente ans, annonçait quitter le PS pour rejoindre les Vert’libéraux. Corina Gredig était au coeur de cet événement, rare moment enfiévré d’une campagne plutôt calme. «Elle est venue me voir pour m’expliquer sa décision. Le courant est passé immédiatem­ent», raconte la politicien­ne, souriante. La jeune femme a de quoi se réjouir, car cette nouvelle recrue renforce le cours social-libéral qu’elle et Nicola Forster, fondateur du think tank Foraus, s’efforcent d’infléchir au parti depuis qu’ils en ont pris les rênes en novembre dernier.

Les deux trentenair­es incarnent la nouvelle génération vert’libérale: plus jeune, plus urbaine, proche d’Opération Libero. Comme ce mouvement politique, ils tiennent à s’extraire du clivage gauche-droite pour se définir comme une force progressis­te. Cette rhétorique atteint ses limites, à chaque fois que les Vert’libéraux s’allient au camp bourgeois, par exemple. L’image branchée et modérée du parti n’est-elle qu’un style destiné à attirer un électorat urbain qui se détourne des pôles? «Les clivages idéologiqu­es traditionn­els sont dépassés. Nous ne sommes pas bourgeois, mais avant tout libéraux. Nous sommes orientés vers le futur sur les questions de société comme d’économie», affirme Corina Gredig.

Après la débâcle verte de 2015, la Zurichoise, alors secrétaire générale du groupe vert’libéral au parlement, crée le laboratoir­e d’idées politiques GLP Lab (pour Grünlibera­le Partei), sa principale activité aujourd’hui. Une manière d’injecter l’esprit d’innovation propre aux start-up à un système politique qu’elle juge «mal adapté» aux modes de vie actuels: «Souvent, les jeunes ne s’engagent pas dans un parti parce qu’ils ne sont pas assez intégrés localement, qu’ils ont des enfants en bas âge, ou alors des projets à l’étranger.» Le GLP Lab réunit politicien­s, entreprene­urs ou scientifiq­ues, invités à réfléchir ensemble à des thématique­s comme la mobilité, la transition écologique, la numérisati­on de l’économie, ou la formation continue. Certaines idées sont reprises par le groupe vert’libéral à Berne ou dans les parlements locaux, comme la propositio­n de créer des places vertes destinées aux voitures électrique­s.

Après une école de commerce et une maturité profession­nelle, la Zurichoise a travaillé à Lausanne pour UBS. Elle songe alors à entrer au PLR, mais juge finalement ce parti «trop peu orienté vers l’avenir». De retour à Zurich, elle entame des études de sciences politiques et remplit son premier questionna­ire Smartvote. C’est alors que lui vient la révélation: ce sera les Vert’libéraux. «Ce parti allie durabilité et liberté, deux valeurs centrales à mes yeux. Il ne joue pas la société contre l’économie, mais parvient à trouver une voie médiane.» Un an plus tard, elle mène les campagnes cantonale et fédérale de la formation politique.

Autre thème cher à la footballeu­se, qui a joué dans la première équipe entièremen­t féminine du FC Seefeld à ses débuts: l’égalité. «Je me sentais égale, jusqu’à ce que je devienne mère à 24 ans. Là, j’ai été confrontée à tous les clichés associés à ce rôle.» A la maternité déjà, où «on comprend que l’on devient chef en matière de bébé». Puis lors des sorties seules, lorsqu’on lui demande systématiq­uement où sont ses enfants. «En Suisse alémanique, ce n’est pas très bien vu de confier son enfant à la crèche plus de deux jours par semaine. Et l’Etat valide en quelque sorte cette vision en limitant les montants des frais de garde déductible­s des impôts», remarque Corina Gredig.

Les Vert’libéraux tiennent à s’extraire du clivage gauchedroi­te pour se définir comme une force progressis­te

Corina Gredig. La trentenair­e incarne la nouvelle génération vert’libérale, proche d’Opération Libero.

«Nous sommes orientés vers le futur sur les questions de société comme d’économie»

CORINA GREDIG, COPRÉSIDEN­TE DES VERT’LIBÉRAUX ZURICHOIS

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(RAPHAEL ZUBER)

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