Les gérants suisses délaissent les critères de durabilité
INVESTISSEMENTS Les financiers sont moins de 5% à intégrer systématiquement les dimensions environnementales, sociales et de gouvernance de l’activité des entreprises qu’ils analysent, selon une étude
Moins de 5% des gérants suisses utilisent souvent ou toujours des critères ESG dans leur analyse financière sur les actions. Dans la gestion obligataire, ils sont un sur dix à intégrer ces dimensions environnementales, sociales et de gouvernance. La faute à une compréhension limitée des enjeux de la durabilité et à la peur d’obtenir des performances inférieures, révèle une étude du CFA Institute publiée jeudi.
ESG, le sigle regroupant des dimensions environnementales, sociales et de gouvernance, est en vogue dans les milieux financiers comme dans les médias. La transition écologique vers une société plus durable passe aussi par des investissements plus respectueux de bonnes pratiques dans ces trois domaines ESG. Néanmoins, ces critères restent peu utilisés par les gérants d’actifs, en Suisse comme dans le reste du monde, selon les résultats d’un sondage mené en 2017 auprès de 1100 titulaires du diplôme d’analyste financier dans le monde, y compris en Suisse.
Trois quarts d’entre eux affirment intégrer les dimensions ESG d’une façon ou d’une autre, résume Matt Orsagh, du CFA Institute, lors d’une présentation organisée jeudi à Genève. Cela signifie que certains professionnels de la finance excluent les entreprises aux activités controversées (armes, tabac), c’est le premier niveau d’une gestion durable. D’autres sélectionnent les sociétés qui ont les meilleurs comportements, c’est l’approche «best in class».
Au niveau mondial, entre un quart et un tiers des sondés pensent que les exclusions d’entreprises jugées mauvais élèves et l’intégration de critères ESG sont une seule et même chose. Cette incompréhension illustre le besoin de formation en matière ESG, souligne le rapport. La qualité des données fournies par les entreprises et surtout leur manque de standardisation sont d’autres pistes d’amélioration.
Une compréhension limitée des questions ESG et de l’intégration des critères pertinents apparaît comme le principal obstacle à leur utilisation, selon les sondés, devant l’absence de culture «durable» dans leur entreprise et la crainte que les investissements prenant en compte ces notions sous-performent.
Surtout la gouvernance
L’étude montre que le monde financier commence seulement à appréhender les questions ESG. Pour le moment, le «G» – la gouvernance – est jugé comme la dimension la plus importante, et de loin. L’explication est simple: un scandale dans la gestion d’une entreprise cotée se traduit presque systématiquement par une baisse de son action. L’intégration des critères ESG est vue par les gérants comme une manière de se couvrir, afin de ne pas passer à côté d’un risque, plutôt que comme une opportunité d’effectuer une meilleure analyse financière.
Enfin, les professionnels interrogés estiment que les trois critères ESG vont prendre de l’importance au cours des prochaines années, et influenceront de plus en plus le prix des actifs. La gouvernance restera le critère perçu comme le plus important, mais l’impact des dimensions environnementale et sociale devrait doubler entre 2017 et 2022, selon les sondés. ▅
L’intégration des critères ESG est vue par les gérants comme une manière de se couvrir