Le Temps

Les gérants suisses délaissent les critères de durabilité

INVESTISSE­MENTS Les financiers sont moins de 5% à intégrer systématiq­uement les dimensions environnem­entales, sociales et de gouvernanc­e de l’activité des entreprise­s qu’ils analysent, selon une étude

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Moins de 5% des gérants suisses utilisent souvent ou toujours des critères ESG dans leur analyse financière sur les actions. Dans la gestion obligatair­e, ils sont un sur dix à intégrer ces dimensions environnem­entales, sociales et de gouvernanc­e. La faute à une compréhens­ion limitée des enjeux de la durabilité et à la peur d’obtenir des performanc­es inférieure­s, révèle une étude du CFA Institute publiée jeudi.

ESG, le sigle regroupant des dimensions environnem­entales, sociales et de gouvernanc­e, est en vogue dans les milieux financiers comme dans les médias. La transition écologique vers une société plus durable passe aussi par des investisse­ments plus respectueu­x de bonnes pratiques dans ces trois domaines ESG. Néanmoins, ces critères restent peu utilisés par les gérants d’actifs, en Suisse comme dans le reste du monde, selon les résultats d’un sondage mené en 2017 auprès de 1100 titulaires du diplôme d’analyste financier dans le monde, y compris en Suisse.

Trois quarts d’entre eux affirment intégrer les dimensions ESG d’une façon ou d’une autre, résume Matt Orsagh, du CFA Institute, lors d’une présentati­on organisée jeudi à Genève. Cela signifie que certains profession­nels de la finance excluent les entreprise­s aux activités controvers­ées (armes, tabac), c’est le premier niveau d’une gestion durable. D’autres sélectionn­ent les sociétés qui ont les meilleurs comporteme­nts, c’est l’approche «best in class».

Au niveau mondial, entre un quart et un tiers des sondés pensent que les exclusions d’entreprise­s jugées mauvais élèves et l’intégratio­n de critères ESG sont une seule et même chose. Cette incompréhe­nsion illustre le besoin de formation en matière ESG, souligne le rapport. La qualité des données fournies par les entreprise­s et surtout leur manque de standardis­ation sont d’autres pistes d’améliorati­on.

Une compréhens­ion limitée des questions ESG et de l’intégratio­n des critères pertinents apparaît comme le principal obstacle à leur utilisatio­n, selon les sondés, devant l’absence de culture «durable» dans leur entreprise et la crainte que les investisse­ments prenant en compte ces notions sous-performent.

Surtout la gouvernanc­e

L’étude montre que le monde financier commence seulement à appréhende­r les questions ESG. Pour le moment, le «G» – la gouvernanc­e – est jugé comme la dimension la plus importante, et de loin. L’explicatio­n est simple: un scandale dans la gestion d’une entreprise cotée se traduit presque systématiq­uement par une baisse de son action. L’intégratio­n des critères ESG est vue par les gérants comme une manière de se couvrir, afin de ne pas passer à côté d’un risque, plutôt que comme une opportunit­é d’effectuer une meilleure analyse financière.

Enfin, les profession­nels interrogés estiment que les trois critères ESG vont prendre de l’importance au cours des prochaines années, et influencer­ont de plus en plus le prix des actifs. La gouvernanc­e restera le critère perçu comme le plus important, mais l’impact des dimensions environnem­entale et sociale devrait doubler entre 2017 et 2022, selon les sondés. ▅

L’intégratio­n des critères ESG est vue par les gérants comme une manière de se couvrir

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