Elisa Theubet, une «Madame énergies propres» dans le Jura
Déléguée de Delémont, Porrentruy et Fontenais, toutes trois labellisées Cités de l’énergie, l’ingénieure est chargée de concrétiser le tournant écologique sur le plan communal «Quand on sort de l’EPFL, on est des généralistes. On est capable de s’adapter
Les politiciennes et les politiciens ont leur profil Smartvote: une toile d’araignée (Smartspider) indique leur positionnement politique. Les 437 communes reconnues comme Cités de l’énergie ont la leur. Mais là où l’une évalue l’esprit d’ouverture vers l’étranger, les valeurs libérales, la rigueur financière, l’engagement pour la sécurité, la politique migratoire et la défense de l’environnement, l’autre mesure six critères relevant tous de l’utilisation efficace de l’énergie, de la protection du climat, de la promotion des énergies renouvelables et de la mobilité écologique.
Dans le canton du Jura, Delémont et son agglomération, Porrentruy et Fontenais font partie du réseau des Cités de l’énergie. Les trois ont obtenu le label «Gold», décerné lorsque, sur la moyenne des six axes de la toile d’araignée, ils atteignent 75% des objectifs. En 2018, Fontenais a rempli 78% de ses obligations, Delémont 77% et Porrentruy 76%. Les trois localités ont en commun la même gardienne du temple énergétique, Elisa Theubet. Mariée, mère de deux enfants, cette jeune femme de 36 ans est leur déléguée commune à l’énergie.
Un virus familial
Née à Delémont, Elisa Theubet grandit en Ajoie et attrape très jeune le virus de l’écologie et de la préservation de l’environnement. «J’y ai été sensibilisée par mon milieu familial et par quelques enseignants», se souvient-elle. Ses études scientifiques la font passer par la case EPFL, où elle obtient en 2007 un master en sciences et ingénierie de l’environnement, avec une spécialisation pour la gestion des pollutions. «J’ai appris à trouver des solutions à toutes sortes de problèmes. Quand on sort de l’EPFL, on est des généralistes. On est capable de s’adapter à différents milieux et d’appliquer ce qu’on a appris en ajoutant une dose de bon sens.» A la fin de ses études, elle travaille quelques années dans une start-up de l’EPFL spécialisée dans les écobilans, Quantis, qui a beaucoup grandi et est aujourd’hui un groupe international à succès.
En 2011, alors que l’Ajoulote et son mari jurassien sont établis à Estavayer-le-Lac (FR), elle voit passer une annonce. Trois communes de sa région natale signent une convention quadriennale de coopération dans le domaine de l’énergie et mettent au concours un poste partagé de délégué(e) à l’énergie. Elle dépose sa candidature. Elle obtient le mandat. Elle déménage et commence son activité – à 60% aujourd’hui – le 1er février 2012.
Sa mission consiste à assurer le suivi du label de Cité de l’énergie pour les trois communes et à mettre en oeuvre sur le terrain les principes de la Stratégie énergétique 2050, soit la diminution de la consommation d’énergie et des émissions de CO2. «Nous devons prouver en permanence que nous respectons les critères. Nous sommes accompagnés par un conseiller et devons nous soumettre à un audit tous les quatre ans», explique-t-elle.
Son activité touche une large palette de projets. Elle supervise les planifications et le bilan énergétique territorial des communes. Elle livre ses conseils pour que les bâtiments publics, «par souci d’exemplarité», aient la meilleure efficience possible. L’électricité doit elle aussi être principalement d’origine renouvelable. La gestion de l’éclairage public est un autre sujet de discussion. Le remplacement des anciennes sources lumineuses par des LED est essentiel. Et plusieurs initiatives locales demandent son extinction une partie de la nuit.
Et mobilité? Les programmes communaux visent à encourager les moyens de transport propres, comme le vélo et les véhicules électriques, ainsi que le covoiturage. Le sujet a gagné en importance après la réouverture, fin 2018, de la ligne ferroviaire Delle-Belfort, dont un des buts est de persuader les frontaliers d’utiliser le train plutôt que la voiture. Cette nouvelle liaison ne rencontre pas encore le succès escompté. Des mesures d’accompagnement en Suisse sont peut-être nécessaires. Ainsi, à Delémont, les entreprises désireuses de s’implanter doivent déposer un plan de mobilité et mener des entretiens avec leurs collaborateurs afin de diminuer les déplacements en voiture et les places de parc.
Et les éoliennes?
Le label Cité de l’énergie passe aussi par la communication. Ainsi, dans les journaux communaux, Elisa Theubet donne des informations sur la consommation et les ressources renouvelables. Dans la région, le potentiel repose moins sur l’énergie hydraulique que sur le photovoltaïque et les pompes à chaleur. Les communes peuvent accorder des subventions aux propriétaires. «Si l’on équipait tous les toits qui s’y prêtent de panneaux solaires, on pourrait couvrir 80% de la consommation d’énergie de la ville de Porrentruy et trois fois celle de Fontenais», estime-t-elle. Et les éoliennes, sujet sensible? Le plan directeur cantonal ambitionne de construire trois grands parcs au maximum. L’un d’eux, qui fera office de projet pilote, est situé à la Haute-Borne, à cheval sur quatre communes, dont Delémont. Le canton prévoit de développer ces projets dans le cadre d’une démarche participative avec la population. C’est sans doute le seul moyen de réussir le tournant énergétique.