LE RÔLE ÉMINENT DES MÉDECINS
«Notre maison brûle et nous regardons ailleurs»,
avait dit Jacques Chirac. Mais personne n’aime les mauvaises nouvelles. Aux Etats-Unis, la moitié du pays résiste bec et ongles à toute idée que l’homme est responsable des changements actuels. Aujourd’hui, la pertinence des conclusions scientifiques du GIEC n’est toutefois plus contestée. Cette évolution doit vivement interpeller les professionnels de santé au vu de ses impacts délétères pour la population. Ci-dessous des éléments d’un éditorial de janvier du «New England Journal of Medicine», introduisant un article intitulé «Le besoin impératif de l’action en matière de climat»: «Le dérèglement du système climatique, auparavant un souci théorique, est maintenant manifeste, avec des dégâts humains croissants […]. Ces effets sont fondamentalement des enjeux de santé et des risques existentiels pour nous tous. Les personnes malades ou pauvres sont celles qui souffriront le plus.» Les médecins ont un rôle éminent à jouer pour informer et sensibiliser leurs patients, leurs collègues et la collectivité. Au-delà de ce rôle pédagogique, les éditorialistes souhaitent les voir s’engager dans l’action de conviction nécessaire – à leur sens, les objectifs des Facultés de médecine doivent comprendre des compétences du registre de l’engagement militant.
Depuis la Conférence de Paris de 2015, on constate une myopie persistante
du politique et de l’économie, qui ne peuvent imaginer entrer en matière sur la notion de frugalité, de changements marqués de nos manières de vivre, de produire et de consommer. Parmi les élus, les mieux disposés vous écoutent, consentent qu’il y a problème mais le saut logique qui consisterait à mettre en cause le «système» reste simplement inimaginable. L’inertie, s’agissant de mesures fortes, n’est pas vraiment secouée par le fait que plusieurs parlements cantonaux ont proclamé l’urgence climatique. Elément rarement évoqué mais pertinent: la peur. «L’émergence d’une intelligence collective est indispensable. Cela ne se fera pas sans la reconnaissance que nous sommes tous peu ou prou habités par la peur et le sentiment d’impuissance devant l’ampleur des problèmes que les scientifiques sont unanimes à décrire. La peur transpire des sarcasmes et des discrédits que suscitent les manifestations pour le climat. Cette peur doit devenir le moteur de la prise de la mobilisation», écrit le pasteur Jean-François Ramelet dans le journal du PLR vaudois. Vient un moment où l’avancée du dérèglement sera telle qu’il ne sera plus possible de revenir en arrière. En fait, nous y sommes déjà: quoi qu’on fasse, il n’y aura pas de retour au «statu quo ante»; mais les dégâts pourraient être limités si on décidait d’agir vite et fort. Ce spectre de non-retour reste hors du radar de beaucoup. On peut cependant évoquer un autre point de bascule, souhaitable, lui: celui de l’opinion publique et politique. Tôt ou tard, s’agissant des «fake news» de M. Trump et d’autres, chacun reconnaîtra leur ineptie.
L’historien des sciences Thomas Kuhn
a dit que l’être humain qui pensait dans un paradigme donné ne parvient pas à s’installer dans un nouveau paradigme. Se peut-il que l’évolution, politique en particulier, qui apporterait la mobilisation globale nécessaire soit en route sans être manifeste?