Le Temps

Boeing sous le feu des demandes d’indemnisat­ion

- ÉTIENNE MEYER-VACHERAND @EtienneMey­Va

Ce jeudi, l’Agence fédérale de l’aviation américaine organisait une réunion pour rassurer ses pairs sur la version modifiée de l’avion de Boeing. En attendant que les interdicti­ons de vol soient levées, les demandes d’indemnisat­ion pleuvent sur l’avionneur

L’Agence fédérale de l’aviation américaine (FAA) a convié ce jeudi les représenta­nts de 33 pays à Fort Worth au Texas pour préparer le terrain à la levée des interdicti­ons de vol frappant les Boeing 737 MAX. Un défaut du système anti-décrochage sur les versions les plus récentes de cet appareil aurait causé deux crashs en cinq mois, coûtant la vie à 346 personnes.

Cette réunion à huis clos devait permettre à la FAA, mise en cause pour sa proximité avec Boeing, de rassurer ses homologues. Depuis la catastroph­e d’Addis-Abeba en Ethiopie, le 10 mars dernier, les autorités de régulation de l’aviation d’une cinquantai­ne de pays ont cloué au sol les Boeing 737 MAX ou leur ont interdit le survol de leur territoire. Ce modèle avait déjà été impliqué dans un premier crash en octobre 2018, en Indonésie. Le rassemblem­ent a eu lieu alors que Boeing n’a toujours pas présenté ses modificati­ons aux tests de certificat­ion de l’agence fédérale. Une informatio­n révélée par Dan Elwell, chef intérimair­e de la FAA, lors d’une conférence de presse mercredi. Boeing reconnaît un défaut de conception

Cette semaine, l’avionneur a pourtant annoncé avoir finalisé le correctif du système anti-décrochage MCAS (Maneuverin­g Characteri­stics Augmentati­on System), soupçonné d’être à l’origine des accidents éthiopien et indonésien. Sans admettre sa seule responsabi­lité, il a également reconnu, pour la première fois, un défaut de conception. Jusqu’à présent, Boeing soutenait la thèse d’une chaîne d’événements ayant abouti au crash, plutôt que la seule défaillanc­e du MCAS. Le logiciel de simulation servant à la formation des pilotes a également été révisé.

Cette situation pourrait coûter très cher à Boeing. Tant que la FAA n’aura pas certifié le 737 MAX modifié, les mesures d’interdicti­on resteront en vigueur. «Je ne suis attaché à aucun calendrier», a affirmé mercredi Dan Elwell, douchant les espoirs de Boeing de voir son appareil reprendre ses vols cet été. «Cela prendra le temps qu’il faudra pour faire les choses comme il se doit.» Ce feu vert de la FAA ne sera qu’une première étape. Les autres autorités

Environ 370 avions du modèle 737 MAX de Boeing sont cloués au sols depuis la mi-mars à travers le monde.

de régulation pourraient vouloir mener leur propre évaluation. L’Agence européenne de la sécurité aérienne a déjà posé des conditions en ce sens. Chute en bourse

Cet appareil représenta­it près de 80% des 5582 appareils du carnet de commandes de Boeing au 30 avril. De janvier à la fin du mois d’avril, l’avionneur a vendu 172 appareils, contre 228 sur la même période l’année dernière. Ce qui implique une diminution des entrées d’argent pour Boeing, que les compagnies paient au moment de la réception des avions. La production mensuelle a été réduite de 52 à 42 unités le mois dernier.

Lors de la publicatio­n de ses résultats financiers, au premier trimestre 2019, le 24 avril dernier, Boeing livrait une première estimation du coût de cette crise. Chiffrée à 1 milliard de dollars, cette évaluation ne fait qu’anticiper la hausse des coûts de production liée aux modificati­ons du 737 MAX. Le groupe a également enregistré un recul à 2,1 milliards de dollars, de 13,2%, de son bénéfice net et une baisse à 22,9 milliards, soit d’environ 2%, de son chiffre d’affaires. Depuis le 8 mars, le cours du titre a enregistré un recul de 16,5%, dont 11% dans les deux jours qui ont suivi le crash éthiopien. Boeing a par ailleurs décidé de suspendre ses objectifs financiers pour 2019. Plusieurs milliards de dollars de facture

La facture devrait encore s’alourdir. Un nombre croissant de compagnies demandent à l’avionneur une indemnisat­ion des pertes entraînées par les interdicti­ons de vol des 737 MAX et les reports de livraison. Des milliers de vols prévus ont été annulés, entraînant un manque à gagner considérab­le, notamment pour la saison d’été. A ces demandes vont s’ajouter les éventuelle­s condamnati­ons judiciaire­s à la demande des familles des victimes. Une Française vivant aux Etats-Unis, dont le mari est décédé dans le crash éthiopien, réclame par exemple 276 millions de dollars à Boeing devant le tribunal de Chicago. Au total, l’addition devrait atteindre plusieurs milliards de dollars.

Le contexte de tensions commercial­es sino-américaine­s pourrait aussi avoir une influence sur les coûts de cette crise pour le groupe américain. La Chine a été le premier pays à interdire le vol des 737 MAX et pourrait décider de faire durer cette interdicti­on. En début de semaine, les trois plus grandes compagnies aériennes chinoises se sont jointes aux demandes d’indemnisat­ion. Le pays représente à lui seul environ un quart du carnet de commandes de Boeing.

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(MARK RALSTON/AFP)

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