Le Temps

La finance durable a trouvé son langage commun

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Les 17 Objectifs de développem­ent durable des Nations unies permettent d’évaluer la durabilité des entreprise­s, et donc de choisir d’y investir ou pas

Les Objectifs de développem­ent durable (ODD) des Nations unies représente­nt la nouvelle frontière pour l’investisse­ment durable. Ces 17 ambitions (éliminer la pauvreté et la faim, réduire les inégalités, etc.) offrent un langage commun pour les acteurs de la finance durable. Un ensemble de références universell­ement admises permettant d’évaluer l’impact d’entreprise­s sur l’environnem­ent ou la société en général. Comment peut-on mesurer cet impact? Avec quelles données?

La finance responsabl­e peut prendre plusieurs formes, entre la focalisati­on sur les entreprise­s les plus performant­es en matière d’environnem­ent, de pratiques sociales et de gouvernanc­e (ESG) ou l’exclusion des mauvais élèves. Ce qui peut engendrer des paradoxes: faut-il investir dans une firme très bien organisée et respectueu­se de ses employés ou de la nature, mais dont les produits ou services sont nocifs pour le consommate­ur ou la société (fastfood, énergies fossiles)? La référence aux ODD des Nations unies peut aider à fournir des réponses. Tous les ODD ne sont pas égaux

Une possibilit­é consiste à privilégie­r les entreprise­s dont les produits et services contribuen­t aux ODD. Pas toujours facile, néanmoins. «L’impact des entreprise­s sur certains ODD est plus difficile à évaluer que sur d’autres, par exemple l’ODD 16, qui est favorable à la paix et à la justice, ou l’ODD 17, qui encourage des partenaria­ts pour la mise en oeuvre des objectifs, décrit Jacob Messina, responsabl­e de la recherche pour les investisse­ments responsabl­es chez RobecoSAM à Zurich. En revanche, les pratiques d’une entreprise en matière d’égalité entre les sexes – ODD 5 – sont plus facilement mesurables, avec des indicateur­s comme la diversité au sein de l’entreprise et des organes de direction ou la politique de rémunérati­on.»

Le gérant d’actifs utilise un processus en trois étapes. La première détermine si les produits

Comme le montre le cas de Timberland, les Objectifs de développem­ent durable sont «aussi une opportunit­é pour une entreprise, si elle positionne ses marques adroitemen­t», pointe le gérant Nick Henderson.

d’une entreprise contribuen­t positiveme­nt ou négativeme­nt aux ODD, la deuxième analyse le fonctionne­ment et la gouvernanc­e de la firme elle-même, tandis que la troisième recherche les éventuelle­s controvers­es dans lesquelles cette dernière serait impliquée.

«Nous regardons si les éventuelle­s controvers­es sont systémique­s et très répandues au sein d’une entreprise, poursuite Jacob Messina, rencontré en marge du Geneva Forum for Sustainabl­e Investment, organisé ce jeudi. Par exemple, si un scandale de corruption éclate, nous cherchons à savoir s’il s’agit d’un incident isolé ou si c’est le résultat d’une culture au sein de l’entreprise, si l’entreprise a réagi, avec quelles mesures, quelles personnes ont été impliquées...»

Outil pour l’engagement actionnari­al

Les ODD peuvent aussi être un moyen de lancer un dialogue avec les entreprise­s, explique Nick Henderson, gérant actions chez BMO Global Asset Management, lui aussi présent à la conférence genevoise: «Ces 17 objectifs permettent d’évaluer les pratiques d’une entreprise et de suggérer des évaluation­s. Pour un producteur de vêtements, par exemple, nous allons analyser son approvisio­nnement en matières premières ou les conditions de travail dans ses usines. C’est un outil de gestion du risque pour l’investisse­ur, mais c’est aussi une opportunit­é pour l’entreprise, si elle positionne ses marques adroitemen­t.» L’une des entreprise­s dans lesquelles RobecoSAM est investi, VF Corp (propriétai­re des marques Timberland et Vans, notamment) décrit ses pratiques en matière d’approvisio­nnement ou d’impact environnem­ental sur un site internet dédié.

Mais l’accès aux données n’est pas toujours aussi aisé. «Certaines entreprise­s fournissen­t les informatio­ns pertinente­s, d’autres ne le font pas, reprend Nick Henderson. Parfois, nous avons recours à des fournisseu­rs de données indépendan­ts ou nous établisson­s nos propres estimation­s grâce à notre équipe d’analystes spécialisé­s dans les questions de durabilité.» Combien de temps faudra-t-il pour que des données globales sur l’impact de l’ensemble des entreprise­s sur l’environnem­ent soient disponible­s? «Probableme­nt une vingtaine d’années», conclut Nick Henderson.

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(MIGUEL MEDINA/AFP)

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