La finance durable a trouvé son langage commun
Les 17 Objectifs de développement durable des Nations unies permettent d’évaluer la durabilité des entreprises, et donc de choisir d’y investir ou pas
Les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies représentent la nouvelle frontière pour l’investissement durable. Ces 17 ambitions (éliminer la pauvreté et la faim, réduire les inégalités, etc.) offrent un langage commun pour les acteurs de la finance durable. Un ensemble de références universellement admises permettant d’évaluer l’impact d’entreprises sur l’environnement ou la société en général. Comment peut-on mesurer cet impact? Avec quelles données?
La finance responsable peut prendre plusieurs formes, entre la focalisation sur les entreprises les plus performantes en matière d’environnement, de pratiques sociales et de gouvernance (ESG) ou l’exclusion des mauvais élèves. Ce qui peut engendrer des paradoxes: faut-il investir dans une firme très bien organisée et respectueuse de ses employés ou de la nature, mais dont les produits ou services sont nocifs pour le consommateur ou la société (fastfood, énergies fossiles)? La référence aux ODD des Nations unies peut aider à fournir des réponses. Tous les ODD ne sont pas égaux
Une possibilité consiste à privilégier les entreprises dont les produits et services contribuent aux ODD. Pas toujours facile, néanmoins. «L’impact des entreprises sur certains ODD est plus difficile à évaluer que sur d’autres, par exemple l’ODD 16, qui est favorable à la paix et à la justice, ou l’ODD 17, qui encourage des partenariats pour la mise en oeuvre des objectifs, décrit Jacob Messina, responsable de la recherche pour les investissements responsables chez RobecoSAM à Zurich. En revanche, les pratiques d’une entreprise en matière d’égalité entre les sexes – ODD 5 – sont plus facilement mesurables, avec des indicateurs comme la diversité au sein de l’entreprise et des organes de direction ou la politique de rémunération.»
Le gérant d’actifs utilise un processus en trois étapes. La première détermine si les produits
Comme le montre le cas de Timberland, les Objectifs de développement durable sont «aussi une opportunité pour une entreprise, si elle positionne ses marques adroitement», pointe le gérant Nick Henderson.
d’une entreprise contribuent positivement ou négativement aux ODD, la deuxième analyse le fonctionnement et la gouvernance de la firme elle-même, tandis que la troisième recherche les éventuelles controverses dans lesquelles cette dernière serait impliquée.
«Nous regardons si les éventuelles controverses sont systémiques et très répandues au sein d’une entreprise, poursuite Jacob Messina, rencontré en marge du Geneva Forum for Sustainable Investment, organisé ce jeudi. Par exemple, si un scandale de corruption éclate, nous cherchons à savoir s’il s’agit d’un incident isolé ou si c’est le résultat d’une culture au sein de l’entreprise, si l’entreprise a réagi, avec quelles mesures, quelles personnes ont été impliquées...»
Outil pour l’engagement actionnarial
Les ODD peuvent aussi être un moyen de lancer un dialogue avec les entreprises, explique Nick Henderson, gérant actions chez BMO Global Asset Management, lui aussi présent à la conférence genevoise: «Ces 17 objectifs permettent d’évaluer les pratiques d’une entreprise et de suggérer des évaluations. Pour un producteur de vêtements, par exemple, nous allons analyser son approvisionnement en matières premières ou les conditions de travail dans ses usines. C’est un outil de gestion du risque pour l’investisseur, mais c’est aussi une opportunité pour l’entreprise, si elle positionne ses marques adroitement.» L’une des entreprises dans lesquelles RobecoSAM est investi, VF Corp (propriétaire des marques Timberland et Vans, notamment) décrit ses pratiques en matière d’approvisionnement ou d’impact environnemental sur un site internet dédié.
Mais l’accès aux données n’est pas toujours aussi aisé. «Certaines entreprises fournissent les informations pertinentes, d’autres ne le font pas, reprend Nick Henderson. Parfois, nous avons recours à des fournisseurs de données indépendants ou nous établissons nos propres estimations grâce à notre équipe d’analystes spécialisés dans les questions de durabilité.» Combien de temps faudra-t-il pour que des données globales sur l’impact de l’ensemble des entreprises sur l’environnement soient disponibles? «Probablement une vingtaine d’années», conclut Nick Henderson.
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