Pour un cinéma citoyen
Dans de nombreux festivals de cinéma, en marge d’un jury international et d’un jury de la presse, siège un jury oecuménique. Celui-ci a pour but de primer des oeuvres qui font preuve d’humanisme, mais défendent également des valeurs chrétiennes. Peu de chance, forcément, qu’il décide d’honorer un film de genre usant de la violence comme d’un effet de mise en scène. Alors même qu’un thriller en dit parfois plus sur la société qu’un pensum d’auteur. On en veut pour preuve l’extraordinaire Parasite, de Bong Joon-ho, qui concourt à Cannes pour la Palme d’or.
En 2019, est-ce que les jurys oecuméniques font sens? Pourquoi ne pas avoir en parallèle des jurys judaïque et musulman? Ou, tiens, carrément un jury de libres penseurs défendant les valeurs de l’athéisme. Derrière cette provocation facile se cache une vérité: les voies d’un film sont souvent impénétrables. On peut être non croyant et ressortir bouleverser d’Une Vie cachée, long métrage virtuose dans lequel Terrence Malick célèbre un objecteur de conscience autrichien à la foi inébranlable et qui finira exécuté par les nazis. Et on peut être catholique et admirer la virtuosité de Quentin Tarantino, même quand il donne dans le gore.
Depuis l’an dernier est remis à Cannes le Prix de la citoyenneté. Son jury est présidé cette année par le cinéaste israélien Amos Gitaï, qui succède à son confrère mauritanien Abderrahmane Sissako. Créé à l’initiative du mouvement Clap Citizen Cannes, dont le président est Laurent Cantet (Palme d’or 2008 pour
Entre les murs), il a pour but de distinguer un film de la compétition «qui défend des valeurs d’humanisme, de laïcité et d’universalisme». En 2019, un tel prix, à même de passer outre ces divergences religieuses, sources de tant de tensions, est une nécessité.