Le recul du PIB allemand fait trembler l’industrie suisse
La croissance du premier partenaire économique du pays a reculé de 0,1% au deuxième trimestre. En Suisse, ce sont surtout les industries mécaniques et électroniques qui devraient en pâtir
Ce n’est pas une surprise, mais c’était devenu une rareté. L’Allemagne économique n’avance plus. Son produit intérieur brut (PIB) a reculé de 0,1% au deuxième trimestre.
Ce chiffre marque un coup d’arrêt pour le pays, qui n’avait plus affiché de performance négative depuis plus de dix ans. Au premier trimestre, la croissance avait atteint 0,4%, par rapport aux trois derniers mois de 2018, année durant laquelle le PIB avait encore progressé de 1,7%.
Pour l’économie suisse, c’est une deuxième mauvaise nouvelle. En plus de la nouvelle vigueur du franc, contre laquelle la BNS est en train de lutter, la baisse de forme du pays avec lequel la Suisse a le plus d’échanges commerciaux aura forcément des conséquences.
Relation très cyclique
En effet, les exportateurs suisses gagnent environ 1 franc sur 5 en Allemagne. Le voisin d’outre-Rhin se classe ainsi devant les EtatsUnis et loin devant la France, l’Italie et la Chine. «La relation entre les deux pays est très étroite», confirme Tiziana Hunziker. L’économiste de Credit Suisse rappelle d’ailleurs que les ventes suisses en Allemagne ont déjà reculé de 4,5%, entre juin 2019 et juin 2018.
Mais la relation Suisse-Allemagne ne se distingue pas seulement par son importance. Si les exportations suisses en général peuvent souvent compter sur le poids de la chimie et de la pharma (45%) pour lisser les vagues conjoncturelles, c’est beaucoup moins le cas pour les envois vers l’Allemagne. L’industrie MEM (machines, équipements électriques et métaux) y représente 30% des exportations, soit autant que la pharma. Conséquence: «Les échanges avec l’Allemagne sont davantage soumis aux cycles qu’avec n’importe quel autre grand pays partenaire», résume Tiziana Hunziker.
La dépendance de l’industrie MEM au bon vouloir des acheteurs allemands est donc nettement plus développée que partout ailleurs. Le secteur exporte 26% de ses produits vers le grand voisin, contre 13% vers les Etats-Unis et un peu moins de 6% vers la Chine, ses deux autres principaux clients.
Selon l’institut allemand Destatis, ce sont les mesures protectionnistes lancées par les Etats-Unis, en conflit commercial notamment avec la Chine, ainsi que le feuilleton du Brexit qui ont freiné la demande de biens d’équipement allemands, et notamment d’automobiles. Sièges et berceaux des constructeurs BMW, Audi ou Mercedes, les deux régions limitrophes de la Suisse que sont le Bade-Wurtemberg et la Bavière ont, à elles seules, acheté pour 8,7 milliards de composants et de produits semi-finis à leurs sous-traitants suisses en 2018.
Rebond. Ou pas
En revanche, en Allemagne, la consommation privée a progressé au deuxième trimestre. Même si, en dehors du secteur pharma, les entreprises suisses ne livrent que très peu de produits de première consommation aux Allemands, c’est un signal positif. «En Suisse aussi, la consommation des ménages devrait partiellement compenser le ralentissement des exportations», conclut Tiziana Hunziker, alors que les prochaines statistiques des douanes helvétiques seront dévoilées mardi prochain.
Autre motif d’optimisme, la situation ne devrait pas se dégrader outre-Rhin. Alors qu’il affiche une stagnation sur un an, le PIB allemand est attendu en croissance de 0,7% cette année, puis de 1,7% l’année suivante, selon le FMI. Mais cette prévision date du printemps dernier, avant que ne se déclenche la énième crise gouvernementale italienne. Une incertitude de plus qui freine les investissements. A court terme, elle contribue aussi à renchérir le franc qui, déjà, pénalise les exportateurs suisses. ▅