Ghislaine Maxwell, suspect numéro 1 et introuvable
Très proche du financier Jeffrey Epstein retrouvé pendu dans sa prison de Manhattan, Ghislaine Maxwell est dépeinte comme la maquerelle qui alimentait son réseau de prostitution. Plusieurs victimes, mineures au moment des faits, intentent contre elle des actions en justice
Son père, Robert Maxwell, magnat de la presse britannique, a été retrouvé mort, près de son yacht, The Lady Ghislaine, au large des îles Canaries, dans des circonstances troubles. C’était le 5 novembre 1991. C’est à partir de ce moment-là que Ghislaine Maxwell part s’installer à New York et fréquente Jeffrey Epstein. A 57 ans, elle apparaît comme la principale complice du financier qui a bâti un sordide réseau de prostitution de jeunes filles pour assouvir ses appétits sexuels. Jeffrey Epstein mort pendu dans sa cellule de Manhattan, c’est autour d’elle que se resserre désormais l’enquête. Problème: elle reste introuvable.
Plusieurs victimes ont intenté des actions en justice contre elle, l’accusant d’être une maquerelle et même d’avoir participé aux abus. Jennifer Araoz avait 15 ans, en 2002, quand elle a été violée dans l’appartement luxueux de Jeffrey Epstein près de Central Park, selon ses dires. Elle a porté plainte mercredi contre les héritiers du financier, mais aussi contre Ghislaine Maxwell et trois autres «recruteuses». Elle a profité d’une nouvelle loi new-yorkaise entrée en vigueur ce jour-là, qui permet aux victimes de crimes sexuels de porter plainte au civil pendant un an, peu importe la date à laquelle les méfaits ont été commis.
Apprendre le silence
«L’entraînement a commencé tout de suite. Il s’agissait d’apprendre à faire une fellation, à être silencieuse, soumise, à donner à Jeffrey ce qu’il voulait. Une bonne partie de cette formation provenait de Ghislaine elle-même», a témoigné une autre victime, Virginia Roberts Giuffre, en 2018. Elle a été recrutée alors qu’elle travaillait à Mar-a-Lago, la résidence de Donald Trump en Floride. «Toute ma vie consistait à m’assurer que Ghislaine et Jeffrey étaient heureux, a-t-elle raconté. Leurs vies ne tournaient qu’autour du sexe.»
La longue déposition de Virginia Roberts Giuffre figure dans les 2000 pages de documents judiciaires rendus publics la veille de la mort de Jeffrey Epstein. Des accusations puissantes. Les noms du prince Andrew ou du Français Jean-Luc Brunel, patron de l’agence de mannequins MC2, reviennent souvent. Ce dernier est accusé d’être l’un des principaux rabatteurs du financier. «Il dirigeait une sorte d’agence de mannequins et semble avoir eu un arrangement avec les autorités américaines pour obtenir des documents de voyage pour les jeunes filles. Il amenait ensuite ces filles, âgées de 12 à 24 ans, aux Etats-Unis à des fins sexuelles et les remettait à ses amis, Epstein compris», précise la victime.
Tant le prince Andrew que Jean-Luc Brunel ont démenti toute implication, même si leurs noms apparaissent dans le petit carnet noir de Jeffrey Epstein, où l’homme consignait tout, révélé par le site Gawker. En 2015, Jean-Luc Brunel a même attaqué Jeffrey Epstein en justice, estimant avoir perdu des millions de dollars en contrats à cause de sa réputation sulfureuse. Le meilleur moyen de prendre ses distances avec un ami devenu gênant. C’est cette même année que Virginia Roberts Giuffre porte plainte contre Ghislaine Maxwell. L’affaire a été réglée à l’amiable, en échange d’une indemnisation au montant inconnu.
Ghislaine Maxwell a toujours réfuté toutes les accusations portées contre elle. Où se trouve-t-elle aujourd’hui? C’est le grand mystère. Même ses avocats ont affirmé en 2017 ne pas le savoir, suggérant qu’elle se trouvait à Londres, sans adresse connue. Elle a vendu en 2016 son immeuble new-yorkais pour 15 millions de dollars, et depuis a disparu de la vie publique. Elle avait déjà pris ses distances avec Jeffrey Epstein dès ses premiers ennuis judiciaires en 2007. Mercredi, le Daily Mail affirmait avoir retrouvé sa trace à Manchester-bythe-Sea, dans l’Etat du Massachusetts, chez son compagnon.
Des secrets gênants
Cadette de neuf enfants, de mère française et souvent dépeinte comme la préférée de son père, cette brune aux cheveux coupés court a toujours contesté que ce dernier se soit suicidé. Sa thèse: Robert Maxwell a été tué. Vanity Fair la décrit en 2003 comme la «meilleure amie» de Jeffrey Epstein. Mais elle aurait entretenu des relations intimes avec lui dans les années 1990. «Ghislaine était amoureuse de Jeffrey comme elle était amoureuse de son père», révèle une source anonyme, qui s’est confiée au magazine. «Elle a toujours pensé que si elle faisait toujours plus, elle lui ferait plaisir et qu’il l’épouserait.»
Maîtresse, sex friend, meilleure amie, concierge de son empire de luxe, maquerelle d’un réseau de filles mineures ou tout à la fois, elle apparaît en tout cas comme la femme indispensable à ses côtés. Exmilliardaire (son père a laissé de méchantes ardoises à sa mort), mais surtout entourée de personnes influentes, la fondatrice de TerraMar, une ONG qui oeuvre pour la protection des océans, avait tout pour intéresser le jet-setteur Jeffrey Epstein. C’est elle qui lui aurait notamment présenté Bill Clinton et le prince Andrew.
Témoin clé, elle pourrait avoir des secrets gênants à révéler. Plus d’un aimerait savoir où elle se terre. Le ministre de la Justice a promis qu’aucun complice ne dormirait tranquille. Lundi, des agents du FBI ont perquisitionné Little St. James Island, propriété de Jeffrey Epstein qui fait partie des îles Vierges américaines. Une île à laquelle les Américains ont donné un surnom: «Pedophile Island». Ghislaine Maxwell y séjournait souvent. ▅