Le Temps

La résistance s’organise contre Matteo Salvini

La crise politique ouverte par le chef de la Ligue est freinée par une alliance inattendue du Parti démocrate et du Mouvement 5 étoiles, adversaire­s par le passé

- ANTONINO GALOFARO, ROME @ToniGalofa­ro

«Donnez-vous la paix», a lancé mercredi l’archevêque de Gênes, le cardinal Angelo Bagnasco, lors de la messe de commémorat­ion de l’écroulemen­t du pont Morandi, un an après le drame. Au premier rang, sous un hangar du chantier du nouveau pont en constructi­on, quelques mètres seulement séparent le président de la République, Sergio Mattarella, le premier ministre, Giuseppe Conte, le ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini, et son homologue au Développem­ent économique, Luigi Di Maio. Le casting de la crise politique italienne est au complet. Se sont-ils serré la main en signe de paix? Au moment où le leader de la Ligue tend la sienne, le réalisateu­r de la télévision publique choisit de montrer un autre plan…

Grand maître d’orchestre lorsqu’il a ouvert les hostilités la semaine dernière, Matteo Salvini se retrouve désormais freiné par un président de la République réticent à des élections anticipées, un président du Conseil bien décidé à institutio­nnaliser la crise et un ancien partenaire de coalition prêt à tout pour lui barrer la route, quitte à se rapprocher de l’ennemi juré. Une majorité inattendue a en effet rejeté la requête de la Ligue de voter la motion de défiance au gouverneme­nt de Giuseppe Conte mercredi, au lendemain du vote au Sénat. Les voix réunies du Mouvement 5 étoiles (M5S) et du Parti démocrate (PD) ont permis à la scène politique italienne de respirer une semaine. Le premier ministre sera entendu par le Sénat le 20 août et par la Chambre des députés un jour plus tard.

Le leader d’extrême droite ne s’attendait pas à cette étrange alliance démocrates-antisystèm­es. Le M5S et le PD se sont en effet livré une guerre incessante sous les gouverneme­nts de Matteo Renzi puis de Paolo Gentiloni durant la précédente législatur­e. Au lendemain des élections législativ­es de mars 2018, l’ancien premier ministre florentin, surnommé parfois Machiavel, jurait que son parti ne s’allierait jamais avec l’ennemi honni. Un message qu’il n’a cessé de marteler jusqu’à l’ouverture de la crise politique par Matteo Salvini.

Les tabous sont tombés

«Il existe aujourd’hui d’autres conditions, c’est une tout autre histoire par rapport à l’an dernier», se justifie Matteo Renzi. L’ancien président du Conseil critique l’ouverture d’une crise en plein mois d’août, quand l’Italie s’arrête, une première selon lui, et craint des élections cet automne, soit en plein débat sur le budget 2020 et lors du choix des commissair­es européens. «Salvini a échoué et il doit démissionn­er, lance le sénateur. Il faut un exécutif institutio­nnel.» Les démocrates visent les membres du Mouvement 5 étoiles, excluant naturellem­ent l’extrême droite comme son ancien allié de centre droit, Silvio Berlusconi.

Au sein de la formation antisystèm­e, la frange de gauche n’a jamais été fermée à l’idée d’un rapprochem­ent avec le PD. Et depuis son alliance avec la Ligue, rien n’est plus impossible pour le mouvement qui courait jusqu’alors seul contre tous. Les tabous sont tombés de crainte de voir Matteo Salvini accéder seul au pouvoir, alimentant ainsi une crise estivale «la plus folle du monde», ironise le Corriere della Sera.

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