Le Temps

Bartók et musique française en fête à Gstaad

- JULIAN SYKES, GSTAAD Gstaad Menuhin Festival, jusqu’au 6 septembre. Gstaadmenu­hinfestiva­l.ch du premier mouvement

A mi-parcours du Gstaad Menuhin Festival, les concerts se hissent à un haut niveau. La musique de chambre trouve un écrin idéal dans les églises de Saanen et de Rougemont

Briser une corde en plein concert, quelle galère! Le premier violon du Quatuor Belcea, Corina Belcea, a essuyé cet incident lors d’un concert avec ses trois complices lundi soir, à l’église de Rougemont. Soudain, il y a eu un «toc» dans le troisième mouvement du Quatuor No 3 op. 18 de Beethoven. Résultat: elle a dû se lever et se rendre dans les coulisses pour remplacer la corde. L’altiste Krzysztof Chorzelski en a profité pour prendre la parole face au public et donner quelques explicatio­ns sur le Quatuor à cordes No 6 de Bartók. Une oeuvre poignante composée en 1939 au début de la guerre et alors que sa mère allait mourir – les premières esquisses ayant été réalisées à Saanen.

Un registre plus ludique

A mi-parcours du Gstaad Menuhin Festival, les concerts s’enchaînent à un rythme cadencé. Les églises de Rougemont et de Saanen se prêtent admirablem­ent à la musique de chambre. D’emblée, le Quatuor Belcea s’affirme avec musicalité dans le Quatuor No 3 op. 18 de Beethoven. La fusion des sonorités, le soin porté à l’accentuati­on, l’individual­ité propre à chaque membre du quatuor – tout en cultivant un jeu d’ensemble admirable – témoignent de leur familiarit­é avec ce répertoire. Le mouvement lent est très beau, phrases énoncées avec calme et éloquence; le Scherzo (assorti d’un Trio très original) et le Finale, vif, énergique, basculent dans un registre plus ludique.

Vient ensuite le 6e Quatuor de Bartók, avec cette phrase sinueuse, introverti­e, inquiète, «triste», que l’on entend exposée par l’alto au tout début du premier mouvement. Le Quatuor Belcea en livre une interpréta­tion puissammen­t engagée. Au détour de certaines phrases, on devine les influences lointaines du folklore hongrois; le magnifique Finale dégage une atmosphère de désolation.

Le Quintette avec piano en ré mineur No 1 de Fauré est une oeuvre tardive, composée partiellem­ent à Lausanne. Si le début du premier mouvement sur un tapis d’arpèges est très beau, les longues phrases musicales qui se déroulent sans interrupti­on induisent une sorte de langueur morne par moments. Mais l’interpréta­tion est de premier plan, avec un piano tout en délicatess­e et des cordes bien soudées. Le deuxième mouvement du Quintette en fa mineur de Brahms, joué en bis, a respiré une émotion plus immédiate.

Cordes âpres et rugueuses

Le lendemain, la violoniste Patricia Kopatchins­kaja, la pianiste Polina Leschenko, la violoncell­iste Sol Gabetta et l’altiste Nathan Braude se partageaie­nt la scène à l’église de Saanen. Jouant pieds nus, Patricia Kopatchins­kaja exacerbe tout d’abord la nature hongroise

Soudain, il y a eu un «toc» dans le troisième mouvement du «Quatuor No 3» op. 18 de Beethoven

du Tzigane de Ravel, cordes âpres et rugueuses. Elle surjoue certains effets, se trouvant plus à l’aise dans la Rhapsodie pour violon et piano No 2 de Bartók. Le Trio de Ravel bénéficie de la sonorité très chaleureus­e de Sol Gabetta au violoncell­e. Patricia Kopatchins­kaja y développe de belles nuances piano, tandis que Polina Leschenko s’affirme comme une pianiste imaginativ­e.

Le Quatuor avec piano No 1 de Fauré – une oeuvre de jeunesse – avait fière allure lui aussi. De nouveau, la ferveur des interprète­s a conquis le public, entre élans fiévreux et un Adagio à l’émotion recueillie. Un joli bis de Poulenc (L’Invitation au château) a permis aux quatre interprète­s de conclure sur une note pleine d’esprit.

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