Le Temps

Les sombres mélodies de F. J. McMahon

- Par Philippe Chassepot

Golden Juice, le breuvage doré. Voilà un titre d’album merveilleu­sement poétique, même s’il fait d’abord référence à un bourbon en vogue à l’époque. Son contenu est en revanche bien plus sombre. L’homme qui l’enregistre en une après-midi de l’année 1969 vient de rentrer du Vietnam. Il y a perdu son insoucianc­e et ses illusions, à l’image de la décennie qui s’achève. Il compose alors quelques protest songs, seul à la guitare, pour un disque austère et presque daté pour son époque. Un coup de maître sans lendemain.

F. J. McMahon a récemment confessé sa grande naïveté, persuadé qu’il était de voir les choses s’enchaîner toutes seules à l’époque de sa parution. Au lieu de quoi il a passé trois ans à multiplier les concerts miteux sur la côte californie­nne, pour finalement tenter sa chance à Hawaii: «Mais pour gagner sa vie là-bas, on est obligé d’arpenter les bars à touristes et de jouer les chansons que les gens ont envie d’entendre. Un soir, j’ai pris conscience de ce qui se passait, avec toutes ces grands-mères dans la salle, et j’ai décidé que j’en avais assez.»

Sa carrière de musicien plombée, le Californie­n a embrassé celle d’ingénieur en informatiq­ue à Santa Barbara, où il vit toujours comme retraité. Magie d’internet, il est finalement devenu culte sur le tard, pour même remonter sur scène en 2017. Il joue encore de-ci de-là, a même connu l’honneur d’une nouvelle réédition voilà deux ans grâce au label Mexican Summer (Cate Le Bon, Jess Williamson). «Je croise des tonnes de gens dans l’industrie du disque qui me disent à quel point mon album les a marqués. Des gens qui n’étaient même pas nés quand il est sorti. Je n’arrive toujours pas à y croire», déclarait-il alors. Au point d’avoir trouvé une certaine forme d’apaisement? Quand même pas: «Quand je regarde la télévision, j’ai du mal à ne pas lui jeter des pierres. Mon Dieu, l’homme n’apprendra donc jamais rien?»

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