Un mois avant la Suisse de demain
Le mouvement écologiste Extinction Rebellion annonce une action à Lausanne aujourd’hui. Avec des risques judiciaires à la clé
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La Limmat teinte en vert fluo, l'image spectaculaire a fait le tour du monde. Après onze jours d'actions à Zurich, à Berne ou encore à Lucerne, le mouvement écologiste radical Extinction Rebellion (XR) conclut ce vendredi son «Tour de Suisse» à Lausanne. Le lieu exact de l'action ne sera rendu public qu'au dernier moment. Des débats, des conférences et de la
«Les casiers judiciaires ont deux parties»
ANTONELLA CEREGHETTI, AVOCATE À LAUSANNE
musique devraient rythmer la journée dans une opération qui se veut festive. Mais qui pourrait cependant flirter avec la légalité: à Londres, à Paris, XR a déjà eu recours à des actions-chocs pour dénoncer la «menace d'un effondrement de notre écosystème». Si les membres les plus actifs se disent prêts à se «sacrifier», tous ne sont pas conscients des risques juridiques encourus en cas d'infraction à la loi.
«Occuper une place publique sans autorisation de manifester est susceptible d'une simple contravention, explique l'avocate veveysanne Me Irène Wettstein, engagée aux côtés des activistes. Par contre, un blocage de la route, voire une mise en danger de la population constituent une infraction au Code pénal et à la loi fédérale sur la circulation routière.» Pour l'avocate, qui assure également la défense des militants impliqués dans l'action «Roger Federer», contre Credit Suisse à Lausanne (ils s'étaient costumés en joueurs de tennis dans le hall de la banque), les amendes pourraient être comprises entre 300 et 400 francs. «Les amendes inférieures à 5000 francs ne sont pas inscrites au casier judiciaire. Cela dit, on manque actuellement de recul: les autorités tant politiques que judiciaires peuvent avoir des appréciations différentes quant à la répression de telles actions et les conséquences peuvent différer suivant le canton ou la commune.»
Pour Me Antonella Cereghetti, avocate à Lausanne, même si les contraventions ne sont pas inscrites au casier judiciaire, il faut garder en mémoire que «les casiers judiciaires ont deux parties: l'une peut être consultée par les privés lors d'un engagement professionnel par exemple, l'autre est à la disposition des autorités et peut contenir des inscriptions d'infractions prescrites qui ne sont pas portées à la connaissance des tiers.» Des traces de fichage non accessibles normalement, mais qui subsistent.
Des activistes déjà condamnés
Ces informations peuvent-elles entraîner la révocation d'une autorisation de séjour pour un résident étranger? «Ce risque me semble exclu au vu de la faible gravité de l'acte commis», estime Me Irène Wettstein, qui sera présente vendredi en qualité d'observatrice juridique neutre. Me Antonella Cereghetti est plus prudente: «Cela peut poser des problèmes suivant la situation et le type de permis.»
Autant d'incertitudes juridiques qui ne découragent pas Stéphane*, membre d'Extinction Rebellion à Lausanne: «La justice a eu la main lourde pour les joueurs de tennis à Credit Suisse: ils ont été condamnés à 900 francs par personne plus les frais de justice. Ils ont fait recours.» Une éventuelle condamnation pourrait paradoxalement aller dans leur sens. «Si la police nous laisse tranquilles, nous avons toute latitude pour exprimer notre message. Mais si elle nous arrête, nous attirons de la sympathie sur le mouvement et gagnons des membres. Nous connaissons les risques, mais quelles que soient les peines encourues, nous irons de l'avant. Cette attitude de sacrifice est la base de la désobéissance civile.»
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