Le tout plastique est en sursis
A en croire les réponses des candidats, le plastique à usage unique fait l’unanimité contre lui. Dans l’UE, touillettes, gobelets ou encore cotonstiges seront interdits dès 2021. Mais en Suisse, on se demande encore s’il faut obliger, punir ou encourager
«D’ici à ce qu’une loi les interdise, j’ai encore le temps d’y réfléchir.» Ce restaurateur du centre-ville de Lausanne n’aura peut-être pas autant de latitude qu’il ne l’imagine pour trouver une alternative aux pailles et aux couverts jetables qu’il distribue avec ses repas à l’emporter.
Le plastique à usage unique est dans le viseur, non seulement des défenseurs de l’environnement, mais aussi du grand public, des parlementaires et de ceux qui aspirent à le devenir. Dans la charte écologique du Temps, sur laquelle le millier de candidats romands aux élections fédérales est invité à se positionner, le premier de la liste des 30 engagements concerne cette question: «Interdire les plastiques à usage unique pour les objets de consommation». Sur les 191 candidats qui, mercredi, avaient répondu à la charte, 187 se disent favorables à une interdiction.
La cible à abattre
Il faut dire que ces derniers mois, les dénonciations, photos à l’appui, et les appels à l’action se sont multipliés. Parfois visible, souvent invisible, le plastique est partout. Il hante les airs, les sols, les forêts, les plages, les glaces, les eaux… A court terme, il est devenu la cible à abattre.
Dans l’Union européenne, la question est déjà tranchée. En mars, le parlement a décrété une interdiction d’ici à 2021 pour les touillettes, les gobelets, les cotons-tiges et tous ces petits objets du quotidien pour lesquels il existe des alternatives.
En Suisse, des initiatives communales ou cantonales ont vu le jour. On peut citer l’interdiction des pailles à Neuchâtel – finalement déclarée illégale –, le «centime proprété» à Berne ou la taxe au sac plastique à Genève. Au niveau fédéral, plusieurs interpellations ont été déposées. Dans une réponse à un postulat du PDC tessinois Marco Romano, le Conseil fédéral rappelle qu’il existe déjà un outil législatif. La loi actuelle sur la protection de l’environnement permet en effet une interdiction si «les avantages liés à cet usage [unique] ne justifient pas les atteintes à l’environnement qu’il entraîne». La Confédération attend toutefois des secteurs économiques concernés qu’ils prennent des mesures volontaires, avant d’imposer sa loi.
L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) estime que «ces produits jetables doivent disparaître, lorsqu’il existe des substituts écologiques». L’OFEV est par ailleurs en train d’étudier l’applicabilité en Suisse de la stratégie européenne pour une économie circulaire. Hormis le plastique, ce plan d’action fixe des priorités sur le sort des déchets alimentaires, des matières premières critiques, des matériaux de construction et de démolition ainsi que de la biomasse et des biomatériaux.
Dans les commentaires qui accompagnent les réponses à notre charte, de nombreux partisans d’une interdiction sont du même avis que les institutions fédérales: celle-ci doit être accompagnée d’une alternative. Pour certains des candidats se pose aussi la question de la pertinence d’une interdiction, plutôt que d’une incitation.
Des millions de sacs en moins
C’est le cas de Fabien Grognuz, jeune PLR genevois, qui fait exception dans ce paysage uni contre le plastique. Il est l’un des quatre seuls répondants à dire non à une interdiction. «C’est le mot «interdiction» qui me déplaît, précise-t-il. Il faut laisser le soin aux citoyens et aux entreprises de réfléchir à la manière de réduire leur consommation.» Des taxes? Des incitations? La responsabilité individuelle, répond-il, citant l’exemple de la multiplication des gourdes réutilisables, résultat d’une prise de conscience et non d’une mesure fiscale ou législative. «C’est un thème de société, les mentalités vont évoluer», croit Fabien Grognuz.
Les milieux économiques, eux, prennent des mesures plus ou moins isolées pour éviter de se faire imposer des règles. Les multinationales de l’alimentaire ou des produits de grande consommation – Nestlé, Danone, Unilever ou Procter & Gamble – multiplient les annonces de mesures pour réduire leurs emballages. En Suisse, la branche du commerce de détail a incité ses membres à interdire la distribution gratuite de sacs plastique jetables. Résultat: la consommation de sacs a chuté de 14% en 2018 et de 84% depuis 2016, de 418 millions à 56 millions unités, l’an dernier. Ces chiffres «montrent que la décision de la Confédération d’éviter les interventions disproportionnées était la bonne et que les initiatives volontaires peuvent se révéler plus efficaces», insiste la Swiss Retail Federation.
En attendant que la Suisse décide du sort qu’elle veut réserver aux pailles et aux services en plastique, ce restaurateur lausannois a peut-être plus de temps que prévu avant qu’une loi ne le force à changer ses habitudes. A moins que, poussé par sa conscience écologique et/ou celle de ses clients, il ne décide de lui-même de trouver un plan B.
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