Le Temps

Sur la piste de l’Ours, par les airs plutôt quar la route

Les accès au coteau sud de Sion pourraient être totalement modifiés, avec l’arrivée probable d’une liaison plaine-montagne. et est voué à être un transport public, l’intérêt touristiqu­e est également fort. Les projets de liaison par câble se multiplien­t d

- GRÉGOIRE BAUR @GregBaur

Depuis le quai de la gare de Sion, le voyageur qui descend du train a la vue sur la mythique piste de l’Ours, qui a accueilli le Cirque blanc pendant plus d’une décennie à la fin du siècle passé. Eclairé par un rayon de soleil, le câble de la télécabine semble si proche et si loin à la fois. Avec les transports publics, il ne faut pas moins de 35 minutes pour atteindre le départ de l’installati­on, par la route sinueuse qui traverse les villages du coteau que sont Salins et Les Agettes. Mais cette réalité devrait bientôt être de l’histoire ancienne.

D’ici un peu plus de deux ans, si tout se passe comme prévu, le trajet entre la gare de Sion et les Mayens de l’Ours se fera en ligne droite, en une dizaine de minutes. Fini le car postal, place à une télécabine, dont le coût est estimé à 24 millions de francs. La demande de concession et d’approbatio­n des plans de ce projet de liaison plaine-montagne a été déposée début 2019 auprès de l’Office fédéral des transports.

Sur le papier, tout est prêt

Dans la salle du Conseil municipal, Philippe Varone, le président de la capitale valaisanne, nous présente les plans de cette future installati­on. Sur le papier, tout est prêt. «La gare de départ se situera à la place du bâtiment qui accueille actuelleme­nt les locaux du Nouvellist­e, que nous avons achetés en 2016. Quant à celle d’arrivée, elle sera intégrée à la gare de départ de la télécabine de la piste de l’Ours», détaillet-il. Au moment du renouvelle­ment de cette installati­on, il y a deux ans, le point de départ a été déplacé de quelques dizaines de mètres pour être en adéquation avec le futur tracé de la liaison plaine-montagne, qui passera par un corridor actuelleme­nt non bâti. «L’existence de ce corridor relève presque du miracle», sourit Philippe Varone.

Avec l’arrivée programmée de cette télécabine, c’est toute la mobilité du coteau sud de Sion, de la plaine jusqu’à 2000 mètres d’altitude, qui sera modifiée. «L’idée est de créer un système de transports en «T», explique le président de Sion. Des bus-navettes relieront les villages de Basse-Nendaz, de Veysonnaz ou encore des Collons au fond de la piste de l’Ours, d’où il suffira de prendre la télécabine pour se rendre à Sion.»

Les nombreux avantages du câble

Les avantages du transport par câble sont nombreux. Plus rapide, plus écologique, il ne coûte pas plus cher à l’exploitati­on (sans les coûts de l’infrastruc­ture de base) qu’une ligne de bus, peut fonctionne­r par tous les temps, ou presque, et ses cadences sont modulables à l’envi, les collaborat­eurs étant de toute façon présents pour faire fonctionne­r l’installati­on. «Il n’y a qu’un seul inconvénie­nt, souligne Stefan Burgener, du Service valaisan de la mobilité, les gares de départ et d’arrivée sont fixes. On peut uniquement se rendre d’un point A à un point B.»

C’est peut-être à ce niveau que le bât blesse pour le projet imaginé entre la gare de Sion et le fond de la piste de l’Ours. Si la gare de plaine est située à un endroit stratégiqu­e, la sommitale se situe dans une zone actuelleme­nt non habitée. Le temps de parcours total n’est donc pas celui que l’on passe dans la télécabine, il faut y ajouter les minutes passées sur la route pour rejoindre cette gare. Or, prévient Stefan Burgener, pour que la population y adhère, il faut que ce temps total soit inférieur à celui que l’on met en voiture, et non pas en transports publics, pour faire le même trajet.

Cette réalité semble écarter les habitants de Basse-Nendaz du groupe des possibles utilisateu­rs réguliers de la liaison plaine-montagne. On les imagine, en effet, mal rallonger leur temps de trajet actuel pour utiliser la future télécabine. Pour la population du cône de Thyon et de Veysonnaz, en revanche, il y aurait un avantage à utiliser la future installati­on.

A Veysonnaz, l’hiver semble avoir pris de l’avance en ce mois

de septembre. Les températur­es sont fraîches, moins de 10 degrés. Attablé dans un bistrot de sa station de Veysonnaz, Jean-Marie Fournier, administra­teur délégué des remontées mécaniques de Nendaz et Veysonnaz, domaine sur lequel viendrait se greffer la liaison plaine-montagne, assure que la population du village est plutôt emballée par ce projet, qui lui permettrai­t de relier Sion en une quinzaine de minutes. «En plus du gain de temps, vous vous retrouvez au coeur de Sion, sans avoir à vous soucier de l’endroit où parquer votre voiture», appuie-t-il. La serveuse du bar dans lequel nous nous trouvons fait partie de ces gens qui voient d’un bon oeil ce projet de liaison plaine-montagne. Elle émet toutefois une réserve: «L’utilisatio­n de cette télécabine par les locaux dépendra du prix des trajets.»

«Si l’offre existe, les gens l’utilisent», assure Stefan Burgener. Les statistiqu­es de la vingtaine de liaisons plaine-montagne qui existent en Valais depuis des décennies lui donnent raison. En moyenne, 10000 personnes utilisent chaque jour ces installati­ons, pour la plupart situées dans la partie germanopho­ne du canton. «A l’époque, les personnes qui ont créé ces liaisons étaient des visionnair­es», souligne Stefan Burgener, pour qui le câble est indéniable­ment un transport d’avenir.

Des visées touristiqu­es

Si les porteurs du projet espèrent réussir à intégrer la liaison Sion-Mayens de l’Ours au réseau du trafic régional de voyageurs – une demande en ce sens a été faite auprès de la Confédérat­ion –, cette télécabine a également des visées touristiqu­es. A l’origine du projet, son seul et unique but était d’ailleurs d’offrir depuis Sion aux skieurs une porte d’entrée vers les quatre vallées, le plus grand domaine skiable de Suisse.

«L’avenir appartient au train. Entre Genève et Zurich, il y a un bassin de population de quelque 5 millions de personnes, qui se retrouvera­ient à 2h30 maximum de la piste de l’Ours, via le rail puis le câble. Il y a une carte à jouer», se réjouit Jean-Marie Fournier, qui serait, sans doute, l’un des principaux bénéficiai­res de la liaison plaine-montagne. Il ajoute: «Je le dis depuis des années, Sion doit devenir la meilleure station du Valais central, puisqu’elle possède déjà tous les atouts. Cette liaison lui permettrai­t de développer ses activités touristiqu­es. A elle d’en profiter.»

Cette vision, les autorités sédunoises la partagent. Elles espèrent augmenter l’offre hôtelière, qui s’est appauvrie à Sion au fil des décennies, pour ne compter plus que cinq hôtels aujourd’hui. Cet été, pour une séance de travail de trois jours, le Conseil municipal s’est rendu à Bolzano, dans le Tyrol italien, ville qui compte trois téléphériq­ues permettant d’atteindre les hauteurs. De quoi donner des idées à Philippe Varone, qui cite également Grenoble ou Innsbruck comme exemples à suivre.

«Les créateurs de ces liaisons étaient des visionnair­es» STEFAN BURGENER, SERVICE VALAISAN DE LA MOBILITÉ

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D’ici à deux ans, si tout se passe comme prévu, le trajet entre la gare de Sion et les mayens de l’Ours (au premier plan) se fera en ligne droite, en une dizaine de minutes.
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(SEDRIK NEMETH POUR LE TEMPS)

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