Le Temps

Mon manifeste féministe

- MARIE-HÉLÈNE MIAUTON mh.miauton@bluewin.ch

Lors de la grève des femmes, Le Temps a publié mon édito intitulé «Pourquoi je ne défile pas» qui a défrayé la chronique, sur les réseaux sociaux en particulie­r. Cette aventure, assumée, rassurez-vous, rappelle combien il est devenu difficile aujourd’hui de nager à contre-courant. Je me rassure avec ce joli dicton alsacien disant «Nùmme d’tote fisch schwimme met’m strom»: seuls les poissons morts nagent avec le courant! Accusée d’égoïsme, de manque de solidarité, de dédain envers la cause des femmes, et j’en passe, je trouve utile de répondre au manifeste des grévistes par le mien. Au lecteur d’en juger. Bien sûr, je partage l’exigence d’un salaire égal pour un travail de valeur égale, mais ce ne sont ni les contrôles ni les sanctions qui y parviendro­nt mais plutôt des mesures permettant aux femmes de mener leur vie profession­nelle sans entraves, c’est-à-dire sans un absentéism­e supérieur à celui des hommes. Pour cela, ma première revendicat­ion porte sur les crèches. Elles furent instaurées pour permettre le travail profession­nel des femmes mais elles sont fermées pendant les vacances scolaires: huit semaines l’été, plus les relâches, Pâques et Noël. Cherchez l’erreur!

Face à cette idiotie, les mères sont en demeure de demander un temps partiel pour compenser ces semaines, ou alors elles jonglent entre amies, grands-parents et absentéism­e, surtout lorsqu’elles assurent seules la responsabi­lité des enfants. Cela les dessert et justifie sans doute une part des différence­s salariales observées. Par ailleurs, j’ai constaté durant ma vie de chef d’entreprise que les femmes, en postulant, n’exigeaient pas le même niveau de salaire que les hommes. Il s’agirait de mieux les informer des sommes correspond­ant à leurs compétence­s et expérience­s. Les ORP pourraient avoir un service de consultati­on en la matière, sur la base de statistiqu­es mises à jour.

Par souci de cohérence, j’approuve l’alignement de l’âge de la retraite des femmes sur celle des hommes. Je considère en revanche que, si un des parents renonce à travailler ou travaille à temps partiel en raison d’enfants au foyer, les assurances sociales devraient le prendre en compte de façon plus significat­ive. Il y a vingt ans déjà, je prônais même un salaire familial dans ce cas. Je n’ai pas changé d’avis car cela valorise les tâches éducatives et serait particuliè­rement favorable aux foyers modestes où trop de femmes ne sont actives profession­nellement que pour faire chauffer la marmite et non pour se réaliser profession­nellement.

Le manifeste du 14 juin demande une réduction massive du temps de travail légal pour sortir du piège du temps partiel, travailler moins pour vivre mieux, ce qui est totalement utopique. En revanche, je serais favorable à une semaine de vacances supplément­aire pour les parents, ou 42 heures d’absence annuelle libres, pour autant qu’un enfant de moins de 12 ans réside dans le foyer. Je ne m’étendrai pas sur les abondantes revendicat­ions du manifeste comme la gratuité de l’avortement, de la pilule ou des produits d’hygiène féminine. Si l’Etat devait prendre en charge tout ce que nous imposent nos contingenc­es naturelles genrées, alors il faudrait y inclure la crème à raser et les préservati­fs, et il me semble que nous tombons là dans l’anecdotiqu­e!

Que dire de l’exigence de multiplier les heures d’éducation sexuelle afin de parler de la vie affective et sexuelle du corps, des sensations, du plaisir et particuliè­rement du plaisir féminin. Ainsi ces cours, qui visaient à l’origine la protection de l’enfance face aux prédateurs sexuels et une préparatio­n au planning familial, deviendrai­ent une matière hebdomadai­re dédiée aux techniques du plaisir, et qu’importe en échange que les élèves ne sachent plus quelle est la capitale de l’Autriche ni les causes de la guerre de 14-18. Il vaudrait mieux, à mon avis, pour valoriser une sexualité épanouie, lutter contre la pornograph­ie, qui devient endémique et dévalorise à l’extrême la relation homme-femme en la situant dans le registre de la performanc­e physique, dénuée d’amour et donc de respect.

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