Mon manifeste féministe
Lors de la grève des femmes, Le Temps a publié mon édito intitulé «Pourquoi je ne défile pas» qui a défrayé la chronique, sur les réseaux sociaux en particulier. Cette aventure, assumée, rassurez-vous, rappelle combien il est devenu difficile aujourd’hui de nager à contre-courant. Je me rassure avec ce joli dicton alsacien disant «Nùmme d’tote fisch schwimme met’m strom»: seuls les poissons morts nagent avec le courant! Accusée d’égoïsme, de manque de solidarité, de dédain envers la cause des femmes, et j’en passe, je trouve utile de répondre au manifeste des grévistes par le mien. Au lecteur d’en juger. Bien sûr, je partage l’exigence d’un salaire égal pour un travail de valeur égale, mais ce ne sont ni les contrôles ni les sanctions qui y parviendront mais plutôt des mesures permettant aux femmes de mener leur vie professionnelle sans entraves, c’est-à-dire sans un absentéisme supérieur à celui des hommes. Pour cela, ma première revendication porte sur les crèches. Elles furent instaurées pour permettre le travail professionnel des femmes mais elles sont fermées pendant les vacances scolaires: huit semaines l’été, plus les relâches, Pâques et Noël. Cherchez l’erreur!
Face à cette idiotie, les mères sont en demeure de demander un temps partiel pour compenser ces semaines, ou alors elles jonglent entre amies, grands-parents et absentéisme, surtout lorsqu’elles assurent seules la responsabilité des enfants. Cela les dessert et justifie sans doute une part des différences salariales observées. Par ailleurs, j’ai constaté durant ma vie de chef d’entreprise que les femmes, en postulant, n’exigeaient pas le même niveau de salaire que les hommes. Il s’agirait de mieux les informer des sommes correspondant à leurs compétences et expériences. Les ORP pourraient avoir un service de consultation en la matière, sur la base de statistiques mises à jour.
Par souci de cohérence, j’approuve l’alignement de l’âge de la retraite des femmes sur celle des hommes. Je considère en revanche que, si un des parents renonce à travailler ou travaille à temps partiel en raison d’enfants au foyer, les assurances sociales devraient le prendre en compte de façon plus significative. Il y a vingt ans déjà, je prônais même un salaire familial dans ce cas. Je n’ai pas changé d’avis car cela valorise les tâches éducatives et serait particulièrement favorable aux foyers modestes où trop de femmes ne sont actives professionnellement que pour faire chauffer la marmite et non pour se réaliser professionnellement.
Le manifeste du 14 juin demande une réduction massive du temps de travail légal pour sortir du piège du temps partiel, travailler moins pour vivre mieux, ce qui est totalement utopique. En revanche, je serais favorable à une semaine de vacances supplémentaire pour les parents, ou 42 heures d’absence annuelle libres, pour autant qu’un enfant de moins de 12 ans réside dans le foyer. Je ne m’étendrai pas sur les abondantes revendications du manifeste comme la gratuité de l’avortement, de la pilule ou des produits d’hygiène féminine. Si l’Etat devait prendre en charge tout ce que nous imposent nos contingences naturelles genrées, alors il faudrait y inclure la crème à raser et les préservatifs, et il me semble que nous tombons là dans l’anecdotique!
Que dire de l’exigence de multiplier les heures d’éducation sexuelle afin de parler de la vie affective et sexuelle du corps, des sensations, du plaisir et particulièrement du plaisir féminin. Ainsi ces cours, qui visaient à l’origine la protection de l’enfance face aux prédateurs sexuels et une préparation au planning familial, deviendraient une matière hebdomadaire dédiée aux techniques du plaisir, et qu’importe en échange que les élèves ne sachent plus quelle est la capitale de l’Autriche ni les causes de la guerre de 14-18. Il vaudrait mieux, à mon avis, pour valoriser une sexualité épanouie, lutter contre la pornographie, qui devient endémique et dévalorise à l’extrême la relation homme-femme en la situant dans le registre de la performance physique, dénuée d’amour et donc de respect.
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