Voter ne suffit plus
Même si, pour la première fois depuis quarante ans, grâce à la mobilisation de la rue en faveur du climat, on peut espérer une participation aux élections fédérales dépassant les 50%, la démocratie représentative n’en sortira pas pour autant exempte de reproches le 20 octobre. «Insuffisamment démocratique et insuffisamment représentative», selon le mot du professeur de droit français Georges Vedel. Chez nos voisins, la crise de la démocratie représentative revient régulièrement au coeur des débats. Dans la société des individus, la démocratie n’est plus réductible au seul vote.
A défaut de pouvoir corriger ces carences au niveau national, c’est à l’échelle locale que dans de nombreux pays on cherche une nouvelle articulation démocratique entre les besoins locaux et les enjeux de la globalisation. L’Allemagne, à cet égard, s’est montrée créative et innovante depuis un demi-siècle. Même si, au niveau fédéral, le référendum est banni pour des raisons historiques. Puisque l’Etat de droit – qui se distingue de l’Etat légal – repose sur la hiérarchie des normes, sur l’égalité devant la loi et les droits individuels, il implique la participation des personnes concernées aux processus de prise de décision pour y défendre leurs intérêts. Le Tribunal constitutionnel allemand a ainsi confirmé le droit de la population à participer à l’adoption d’actes administratifs de portée générale.
Cela s’est traduit dans les lois des länder sur la procédure administrative, dans les législations environnementales ou sur l’aménagement du territoire, notamment, qui incluent des moments d’information et de participation du public avant même l’élaboration du projet et sa phase parlementaire. A un moment où il est encore possible d’agir et pas seulement de s’opposer. Les outils sont extrêmement variés, allant de la classique procédure de consultation, du comité de quartier au Bürgerpanel, un groupe de citoyens représentatifs régulièrement consultés sur des projets. Budgets participatifs, ateliers-citoyens, conférences «open space» dans lesquelles «quiconque vient est la bonne personne», processus de l’Agenda 21, et, plus ancien, les Planungszellen, jurys de citoyens tirés au sort qui planchent sur des projets durant trois ou quatre jours: autant de moyens innovants complétés par les Civics Tech, plateformes numériques de discussion, de sondages ou d’évaluations.
Après les violentes manifestations contre la transformation de la gare de Stuttgart et l’arrivée au pouvoir des Verts dans le BadeWurtemberg, le ministreprésident Winfried Kretschmann a décidé de faire du land un modèle de participation citoyenne, créant même un «Office pour la société civile et la participation citoyenne».
Nous sommes confrontés à la polarisation des opinions, à l’abstentionnisme, à la méfiance envers les politiques, aux affaires de corruption, à la volatilité de l’électorat et aux exigences du citoyenconsommateur. Voter oui ou non ne suffit plus à réduire ces fractures. Introduire de nouveaux moyens de participation, comme les jurys citoyens ou les panels de citoyens, tous appelés à se prononcer avant même l’élaboration de projets, suppose toutefois une véritable révolution culturelle à laquelle notre système politique n’est pas prêt. C’est le pouvoir des politiques et de l’administration qui est remis en cause. La Suisse ne cumule quand même pas toutes les vertus démocratiques.