Le Temps

Les exportatio­ns d’armes suisses explosent

- BORIS BUSSLINGER @BorisBussl­inger

Au 30 septembre, l’industrie militaire helvétique affiche des chiffres record. Parmi les destinatai­res: l’Arabie saoudite, la Turquie ou le Koweït

Depuis le 1er janvier, les entreprise­s suisses du secteur de l’armement ont exporté pour près d’un demi-milliard de francs (496 millions). Discrèteme­nt annoncé dans de nouvelles statistiqu­es publiées ce mardi par le Secrétaria­t d’Etat à l’économie (Seco), le montant révèle la santé éclatante de la branche, dont les ventes ont grimpé de 60% par rapport aux trois premiers trimestres de l’année dernière (299 millions). La présence de plusieurs dictatures parmi les destinatai­res n’a pas manqué de susciter l’ire des opposants au commerce d’armes.

Sur les neuf premiers mois de 2019, la Suisse a exporté davantage de matériel de guerre qu’elle ne l’avait fait lors des années 2015, 2016 ou 2017. Parmi les 66 pays bénéficiai­res, les plus grands acheteurs sont le Danemark (107 millions), l’Allemagne (83 millions), le Bangladesh (54 millions), la Roumanie (34 millions), les Etats-Unis (27 millions) et le Botswana (22 millions). Les meilleures exportatio­ns ont été réalisées dans le secteur des véhicules militaires et dans celui des munitions, dont les ventes ont généré à eux seuls plus de 300 millions de francs.

Contacté par Le Temps, le Seco juge que l’augmentati­on spectacula­ire des exportatio­ns militaires par rapport à l’année dernière n’est due qu’à des «fluctuatio­ns naturelles selon le volume d’acquisitio­n des clients». Quant aux ventes destinées à plusieurs pays autoritair­es, certes moins importante­s en termes de chiffre d’affaires mais bien plus sensibles du point de vue politique, il les justifie point par point.

Exportatio­ns vers la Turquie exclues depuis 2017

S’agissant de l’Arabie saoudite (1,2 million), du Pakistan (13,3 millions) et de l’Indonésie (940000 francs), le matériel livré consiste avant tout en «pièces de rechange et munitions pour des systèmes de défense antiaérien­s». Le risque que ces marchandis­es servent à commettre de graves violations des droits de l’homme ou qu’elles soient utilisées à l’encontre depopulati­ons civiles est considéré comme «faible», juge le Seco, qui ajoute que «la pratique est restrictiv­e envers ces pays depuis plusieurs années».

Le même raisonneme­nt tient pour le Koweït, vers qui seuls 20 000 francs d’exportatio­n ont été réalisés en 2019. Leur objet? Des «armes de poing, et à épauler, destinées à des membres de la famille régnante».

Quant à la Turquie, dont les activités militaires au Kurdistan syrien ont suscité l’opprobre de la communauté internatio­nale ces derniers jours, un unique pistolet de collection y a été vendu – 2400 francs. A un diplomate.

«Outre des pièces de rechange et des armes de poing à l’usage privé d’ambassadeu­rs, les exportatio­ns vers la Turquie sont exclues», rappelle le Seco: «Cet usage est en oeuvre depuis 2017, année où le conflit avec le PKK a atteint le seuil de conflit interne.»

En 2018, sur demande de l’industrie, c’est justement cette règle que le Conseil fédéral avait décidé d’assouplir – avant de rétropédal­er sous la pression populaire. Pour s’assurer que la règle ne change plus, une initiative dite «de rectificat­ion» a abouti cet été.

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