Foulards blancs contre hidjabs noirs
Mounia Meddour revient sur les débuts de la guerre civile algérienne avec «Papicha», un film à valeur autobiographique ajoutée
La guerre civile algérienne a fait 150000 morts entre 1991 et 1999. Mounia Meddour a 13 ans au début des hostilités. Quatre ans plus tard, elle suit sa famille réfugiée en France. Devenue cinéaste (Cinéma algérien, un nouveau souffle), elle se souvient de la «décennie noire» avec son premier long métrage de fiction, Papicha, de nature expressément autobiographique. Nedjma, 18 ans, est une parfaite papicha, un mot algérois désignant une jeune femme «drôle, jolie, libérée». Elle rêve de devenir styliste. A la nuit tombée, elle fait le mur de la cité universitaire pour aller vendre ses créations vestimentaires dans les boîtes de nuit.
La situation politique et sociale du pays se dégrade, sans que les papichas de l’université prennent conscience de la gravité de la conjoncture. Des barbus viennent coller des affiches misogynes dans l’enceinte de l’université. Des femmes en hidjab perturbent les cours. Rachetée par un Emirati, la boutique où Nedjma s’approvisionne en textiles n’a plus que du drap noir à proposer. Le haïk, ce vêtement féminin porté au Maghreb, 12 m² d’étoffe dont l’élégante blancheur s’oppose au sinistre hidjab noir venu des pays du Golfe, symbolise l’avancée de l’obscurantisme. Nedjma s’obstine dans la voie de l’émancipation, arrache l’autorisation de présenter un défilé de mode au sein de la cité universitaire. L’événement festif, perçu comme une provocation, entraîne une réaction de violence extrême.
Papicha a le mérite de rappeler sur le mode intime une tragédie qui s’estompe déjà dans la mémoire collective et de dénoncer la violence faite encore et toujours aux femmes par les intégristes de tous poils. Ce nécessaire travail de mémoire, cet indispensable esprit de révolte ne suffisent toutfois pas à faire un grand film.
▅ V Papicha, de Mounia Meddour (France, Algérie, Belgique, Qatar, 2019), avec Lyna Khoudri, Shirine Boutella, Amira Hilda Douaouda, Zahra Doumandji, Yasin Houicha, Nadia Kaci, Meriem Medjkrane, 1h45.