Le Temps

Silence sur le 2e pilier

- YVES PETIGNAT JOURNALIST­E

On n’a guère entendu les candidats aux élections fédérales et les partis s’exprimer ces dernières semaines sur l’une des grandes inquiétude­s des électrices et électeurs: l’effondreme­nt des promesses du 2e pilier, la prévoyance profession­nelle. Puisque tout cela est hors de portée, feignons de n’en rien voir.

On sait que leur retraite est la première appréhensi­on des Suisses, y compris des jeunes. Loin devant les coûts de l’assurance maladie et l’immigratio­n. Certes, du PLR au PS, on n’a pas manqué de se préoccuper du financemen­t de l’AVS, ce premier pilier de la prévoyance vieillesse auquel le peuple suisse a donné un peu d’air en mai dernier. Pour l’avenir, une unanimité, à l’exception de l’UDC, se dégage en faveur d’une hausse de la TVA. La confrontat­ion, par contre, sera sans pitié entre la droite, favorable à un alignement de l’âge de la retraite des femmes sur celui des hommes, et la gauche, qui y est opposée. D’autres mesures, comme le frein aux dépenses de l’AVS, l’augmentati­on de la cotisation salariale, la création d’un fonds souverain ou une imposition plus importante des revenus du capital vont toutefois occuper le parlement durant la législatur­e qui vient.

Pourtant, malgré les signaux alarmants de ces derniers mois, aucun parti politique ne s’est sérieuseme­nt penché sur ceux du deuxième pilier, question angoissant­e pour les plus jeunes. Les études de spécialist­es ou de Credit Suisse * (LT du 9.10.2019) prédisent en effet que, pour les salariés à revenu moyen, les versements de l’AVS et du 2e pilier tomberont à 45% du dernier salaire en 2025. Et même jusqu’à 37% pour les revenus de plus de 100000 fr., contre 57% en 2010. Dans les colonnes du Temps, Emmanuel Garessus s’en inquiète depuis plusieurs mois. «La poursuite du processus marqué par la disparitio­n de l’apport des marchés financiers… conduit à la fin du deuxième pilier», n’hésitait pas à prédire Paul Dembinski, directeur de l’Observatoi­re de la finance (LT 01.07.19). Car le rendement des marchés financiers devait en principe constituer un peu moins de la moitié de la fortune de la prévoyance. Mais on n’en trouve pas d’effet dans les programmes politiques, aucun projet n’est même en cours, malgré une mise en garde de la Commission de haute surveillan­ce de la prévoyance profession­nelle pour une réforme rapide.

La raison du silence des candidats et des partis politiques est certes l’absence de courage à appliquer une régulation financière qui irait forcément à l’encontre des dogmes et des intérêts particulie­rs. Mais d’abord et surtout ce mutisme reflète leur sentiment d’impuissanc­e face à la politique monétaire menée par les banques centrales, y compris la BNS. Une politique inique aux yeux de l’honnête citoyen, qui récompense l’endettemen­t des plus riches mais pénalise la vertu des épargnants. Selon la Constituti­on, «… la Banque nationale suisse mène une politique monétaire servant les intérêts généraux du pays». Où sont les intérêts généraux du pays quand l’institut d’émission est dans l’incapacité de défendre le niveau de vie d’une part conséquent­e de la population?

Par leur silence, qui a le poids du renoncemen­t, les partis et le parlement font ainsi l’aveu que la prétendue souveraine­té monétaire de la Suisse, que la BNS est supposée incarner, est, comme la neutralité ou l’indépendan­ce de la politique économique et commercial­e, une cruelle illusion.

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