Le coût du transport maritime explose
En quelques semaines, le coût d'utilisation d'un tanker a été multiplié par huit dans le golfe Persique. Le conflit avec l'Iran est en cause. Mais il n'est pas certain que cette hausse provoque une augmentation des prix des biens de consommation ou des taux d'intérêt
Le cours du pétrole est revenu au niveau précédant les attaques d’installations en Arabie saoudite en septembre, mais «sans que personne n’y ait prêté attention, les prix du transport maritime ont littéralement explosé cette année en progressant de 50 à 100%, selon la mesure», indique John Plassard, dans une note de Mirabaud Securities publiée vendredi. Une journée de transport par tanker entre Singapour et le golfe Persique dépasse 305998 dollars, contre moins de 39000 dollars le 23 septembre, selon le courtier. C’est un record historique. «Acheminer un baril de pétrole sur cet itinéraire coûte huit fois plus cher qu’il y a trois semaines», confirme le quotidien français Les Echos.
D’autres indicateurs vont dans le même sens. L’indice Baltic Dry du fret maritime, qui est tombé à 297 points en mai 2016 s’est envolé récemment pour atteindre 1900 points (+46% depuis le début de l’année).
Des raisons multiples
Les raisons sont profondes, selon John Plassard, à commencer par les sanctions américaines contre plusieurs armateurs chinois ayant transporté du pétrole iranien. Mais il y en a d’autres, comme l’introduction d’une nouvelle réglementation sur les émissions de soufre en janvier prochain, qui provoquera une hausse des coûts d’exploitation. L’armateur danois A.P. Möller Maersk, un des leaders du secteur, évalue l’impact à 2 milliards de dollars par an, sans s’avancer sur leur répercussion éventuelle sur les clients. Les incertitudes sur le Brexit jouent aussi un rôle, ainsi que des effets saisonniers, les tensions générales au Moyen-Orient, et naturellement le conflit commercial entre la Chine et les Etats-Unis.
Cette hausse du coût du transport maritime pourrait réduire les marges des entreprises qui achètent et transforment le pétrole. Si elle dure, «la hausse sera répercutée sur le consommateur», avance Mirabaud Securities.
«Le problème est toutefois très localisé. La possibilité d’une mise en oeuvre de taxes américaines supplémentaires en décembre, qui provoquerait une hausse de l’inflation de 0,3 point l’an prochain, pourrait pénaliser le consommateur américain et impliquer un ralentissement plus marqué de l’économie mondiale en 2020», déclare Arthur Jurus, chef économiste auprès de Landolt & Cie.
Après la hausse graduelle des taxes douanières américaines depuis vingt mois, la croissance annualisée du commerce mondial, qui s’élevait à 4% il y a un an, est devenue négative. «Ces trente dernières années, l’augmentation des échanges internationaux a été la source de l’activité économique. Or la contraction actuelle ne traduit qu’une hausse des tarifs douaniers de 15% en moyenne sur les importations chinoises aux États-Unis. Qu’en sera-t-il si ceux-ci devaient perdurer voire être augmentés à 20% comme il est prévu en décembre?» demande Samy Chaar, chef économiste auprès de Lombard Odier.
La hausse du coût du transport maritime est un grain de sable supplémentaire qui freine l’économie mondiale, mais la chute des volumes d’échanges est un banc de sable autrement plus menaçant pour la navigation par temps agité, selon l’économiste. Une nette hausse des prix est très peu probable. En 2020, l’économiste prévoit une hausse de l’inflation sous-jacente (sans alimentation et énergie) de 2,1% aux Etats-Unis.
«La production mondiale est en manque d’oxygène si bien que les banques centrales ne peuvent pas agir autrement qu’en lui offrant une assistance respiratoire afin qu’elle puisse mieux respirer», poursuit Samy Chaar.
La semaine prochaine, lors de la dernière réunion de la BCE à être présidée par Mario Draghi, aucune mesure supplémentaire n’est attendue. Mais des impulsions sont possibles ailleurs. «Il serait légitime que les autorités fiscales de certains pays excédentaires augmentent leurs dépenses publiques», propose Samy Chaar. Car entre-temps, les prévisions de croissance économique sont toujours revues à la baisse.
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La hausse du coût du transport maritime freine l’économie, mais la chute des volumes d’échanges est autrement plus menaçante