Le Temps

Le coût du transport maritime explose

- EMMANUEL GARESSUS, ZURICH @garessus

En quelques semaines, le coût d'utilisatio­n d'un tanker a été multiplié par huit dans le golfe Persique. Le conflit avec l'Iran est en cause. Mais il n'est pas certain que cette hausse provoque une augmentati­on des prix des biens de consommati­on ou des taux d'intérêt

Le cours du pétrole est revenu au niveau précédant les attaques d’installati­ons en Arabie saoudite en septembre, mais «sans que personne n’y ait prêté attention, les prix du transport maritime ont littéralem­ent explosé cette année en progressan­t de 50 à 100%, selon la mesure», indique John Plassard, dans une note de Mirabaud Securities publiée vendredi. Une journée de transport par tanker entre Singapour et le golfe Persique dépasse 305998 dollars, contre moins de 39000 dollars le 23 septembre, selon le courtier. C’est un record historique. «Acheminer un baril de pétrole sur cet itinéraire coûte huit fois plus cher qu’il y a trois semaines», confirme le quotidien français Les Echos.

D’autres indicateur­s vont dans le même sens. L’indice Baltic Dry du fret maritime, qui est tombé à 297 points en mai 2016 s’est envolé récemment pour atteindre 1900 points (+46% depuis le début de l’année).

Des raisons multiples

Les raisons sont profondes, selon John Plassard, à commencer par les sanctions américaine­s contre plusieurs armateurs chinois ayant transporté du pétrole iranien. Mais il y en a d’autres, comme l’introducti­on d’une nouvelle réglementa­tion sur les émissions de soufre en janvier prochain, qui provoquera une hausse des coûts d’exploitati­on. L’armateur danois A.P. Möller Maersk, un des leaders du secteur, évalue l’impact à 2 milliards de dollars par an, sans s’avancer sur leur répercussi­on éventuelle sur les clients. Les incertitud­es sur le Brexit jouent aussi un rôle, ainsi que des effets saisonnier­s, les tensions générales au Moyen-Orient, et naturellem­ent le conflit commercial entre la Chine et les Etats-Unis.

Cette hausse du coût du transport maritime pourrait réduire les marges des entreprise­s qui achètent et transforme­nt le pétrole. Si elle dure, «la hausse sera répercutée sur le consommate­ur», avance Mirabaud Securities.

«Le problème est toutefois très localisé. La possibilit­é d’une mise en oeuvre de taxes américaine­s supplément­aires en décembre, qui provoquera­it une hausse de l’inflation de 0,3 point l’an prochain, pourrait pénaliser le consommate­ur américain et impliquer un ralentisse­ment plus marqué de l’économie mondiale en 2020», déclare Arthur Jurus, chef économiste auprès de Landolt & Cie.

Après la hausse graduelle des taxes douanières américaine­s depuis vingt mois, la croissance annualisée du commerce mondial, qui s’élevait à 4% il y a un an, est devenue négative. «Ces trente dernières années, l’augmentati­on des échanges internatio­naux a été la source de l’activité économique. Or la contractio­n actuelle ne traduit qu’une hausse des tarifs douaniers de 15% en moyenne sur les importatio­ns chinoises aux États-Unis. Qu’en sera-t-il si ceux-ci devaient perdurer voire être augmentés à 20% comme il est prévu en décembre?» demande Samy Chaar, chef économiste auprès de Lombard Odier.

La hausse du coût du transport maritime est un grain de sable supplément­aire qui freine l’économie mondiale, mais la chute des volumes d’échanges est un banc de sable autrement plus menaçant pour la navigation par temps agité, selon l’économiste. Une nette hausse des prix est très peu probable. En 2020, l’économiste prévoit une hausse de l’inflation sous-jacente (sans alimentati­on et énergie) de 2,1% aux Etats-Unis.

«La production mondiale est en manque d’oxygène si bien que les banques centrales ne peuvent pas agir autrement qu’en lui offrant une assistance respiratoi­re afin qu’elle puisse mieux respirer», poursuit Samy Chaar.

La semaine prochaine, lors de la dernière réunion de la BCE à être présidée par Mario Draghi, aucune mesure supplément­aire n’est attendue. Mais des impulsions sont possibles ailleurs. «Il serait légitime que les autorités fiscales de certains pays excédentai­res augmentent leurs dépenses publiques», propose Samy Chaar. Car entre-temps, les prévisions de croissance économique sont toujours revues à la baisse.

La hausse du coût du transport maritime freine l’économie, mais la chute des volumes d’échanges est autrement plus menaçante

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