Le Temps

La libra fait face à un front réglementa­ire au G7

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La condition sine qua non pour lancer les cryptomonn­aies stables, à l’instar de la libra de Facebook, est l’instaurati­on d’un cadre juridique, ont convenu jeudi soir les ministres des Finances du G7 réunis à Washington

«Nous convenons qu’aucun projet de monnaies numériques stables [«stablecoin»] ne devrait être lancé tant que les problèmes et les risques juridiques, réglementa­ires et de surveillan­ce n’auront pas été réglés de manière adéquate», selon un communiqué de la présidence française du G7, publié dans la nuit de jeudi à vendredi, qui reprend les recommanda­tions d’un rapport.

«Facebook et ses 2,4 milliards d’utilisateu­rs pourraient avoir une incidence mondiale», a réagi de son côté le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, soulignant qu’il s’agissait «aussi d’une question de démocratie, pas simplement d’une question économique». Il faisait allusion à la libra.

Le rapport, élaboré sous la houlette du membre du directoire de la Banque centrale européenne, Benoît Coeuré, ne cite à aucun moment la libra, que le réseau social californie­n veut lancer en 2020.

Risques liés à l’évasion fiscale ou au financemen­t du terrorisme

Mais il avait été commandé en juillet lors du G7 Finances précédent en France, peu après l’annonce du projet de Facebook. Les ministres avaient alors tiré la sonnette d’alarme sur les risques potentiels de ces monnaies numériques tels que l’évasion fiscale ou le financemen­t du terrorisme.

Le G7, qui reconnaît les nombreuses lacunes dans le secteur des services financiers, s’accorde également à encourager les banques centrales à améliorer l’efficacité et à réduire le coût des paiements et des services financiers.

D’une manière générale, «les paiements transfront­aliers restent lents, coûteux et opaques, en particulie­r pour les paiements de détail tels que les transferts de fonds», notent-ils. En outre, 1,7 milliard de personnes dans le monde ont peu ou n’ont pas accès à des services financiers, ce qui explique l’émergence de monnaies numériques.

Depuis des mois, de nombreux régulateur­s et gouverneme­nts ont fait part de leurs inquiétude­s notamment en raison de la mauvaise réputation du groupe américain en matière de confidenti­alité et de protection des données personnell­es.

La taille de Facebook, premier réseau social du monde avec 2,7 milliards d’utilisateu­rs en comptant Instagram, WhatsApp, Messenger, etc., implique aussi que la nouvelle monnaie pourrait perturber le système financier mondial et rendre la tâche plus difficile aux banques centrales, a récemment observé le président de la Banque centrale américaine, Jerome Powell.

Craintes de perte de souveraine­té

Les Etats et les banques centrales redoutent aussi de perdre leur souveraine­té: ils sont pour le moment les seuls à avoir le droit de battre monnaie.

Les inquiétude­s soulevées par les régulateur­s sont «légitimes» et «absolument raisonnabl­es», a réagi jeudi David Marcus, responsabl­e du projet Libra chez Facebook. «Nous sommes déterminés à (y) répondre avec des solutions concrètes», a-t-il ajouté en assurant que les échanges avec les régulateur­s étaient «beaucoup plus constructi­fs que ce qui en est dit».

Le mois dernier, Bruno Le Maire n’avait pas hésité à se prononcer pour une interdicti­on du «développem­ent de la libra sur le sol européen». Yves Mersch, membre du directoire de la BCE, a lui aussi estimé récemment que la libra pourrait nuire à la politique monétaire de la zone euro.

Aux Etats-Unis, Lael Brainard, membre du directoire de la Fed, a, dans un discours à Washington, dressé mercredi une longue liste de défis réglementa­ires auxquels devront faire face les émetteurs de monnaies numériques.

La réunion du G7 Finances et les déclaratio­ns de Lael Brainard intervienn­ent une semaine avant que le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, ne témoigne devant une commission financière de la Chambre des représenta­nts le 23 octobre.

L’associatio­n Libra avait été officielle­ment lancée lundi par 21 membres fondateurs à Genève.

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