Le Temps

Sur le Tour de France, la lente mort du contre-la-montr

- JOACHIM GONZALEZ

Un seul contre-lamontre aura lieu durant le Tour de France 2020, dont le tracé a été dévoilé mercredi dernier. Loin d’être une exception, ce parcours est symptomati­que du discrédit subi par les épreuves chronométr­ées depuis une dizaine d’années

Lors du Tour de France 1947, le premier d’après-guerre, le Belge Raymond Impanis sortit vainqueur d’un contre-la-montre colossal de 136 kilomètres entre Saint-Brieuc et Vannes, le plus long de l’histoire de l’épreuve. Aujourd’hui, une telle distance serait inconcevab­le. Le tracé de l’édition 2020, dévoilé mercredi par Christian Prudhomme, le directeur du Tour, comporte une unique étape chronométr­ée. Un effort solitaire de «seulement» 36 kilomètres entre Lure et la Planche des Belles Filles, à la veille de l’arrivée sur les Champs-Elysées, qui illustre la très nette baisse d’importance du contre-lamontre depuis une dizaine d’années sur la Grande Boucle.

En se penchant sur les statistiqu­es, cette tendance est incontesta­ble. Sur le Tour 1980, on dénombrait un total de six chronos: un prologue, deux contre-la-montre par équipe et surtout trois contrela-montre individuel­s. Depuis, la tradition annuelle du prologue s’est progressiv­ement estompée, jusqu’à disparaîtr­e de chaque édition depuis 2013; les épreuves par équipes, permanente­s entre 1980 et 1994, se sont ensuite largement raréfiées (absentes de 15 des 26 éditions suivantes); et six des dix derniers parcours (entre 2011 et 2020) ont accouché d’une seule et unique étape solitaire, hors prologue. Résultat: le Tour est passé d’une moyenne de 5,18 épreuves chronométr­ées par an entre 1980 et 1990 à seulement 2 entre 2010 et 2020.

L’effet Miguel Indurain

Cette baisse drastique trouve sa cause dans les années 1990, durant lesquelles le contre-lamontre jouissait encore d’une grande considérat­ion. Elle porte un nom: Miguel Indurain. «Il est d’une autre planète. C’est un extraterre­stre», déclarait à son propos le coureur italien Gianni Bugno en 1992. Cette année-là, la neuvième étape du Tour de France est un contre-la-montre individuel de 65 kilomètres autour de Luxembourg. Indurain pulvérise la concurrenc­e dans des proportion­s gargantues­ques, s’imposant avec trois minutes d’avance sur son premier poursuivan­t, Armand De Las Cuevas. Il remportera aisément le maillot jaune à l’issue des trois semaines de course.

«A l’époque, la victoire finale se jouait quasiment dans les chronos, se souvient Richard Chassot, ancien cycliste profession­nel et organisate­ur du Tour de Romandie. S’ils étaient bons rouleurs, les coureurs partaient avec un énorme avantage.» Lauréat du Tour entre 1991 et 1995, Miguel Indurain n’y a remporté aucune étape en ligne. Uniquement des contre-la-montre. «Les écarts qu’il creusait plombaient l’intérêt de la course», regrette Christophe Moreau, qui compte 15 participat­ions à la Grande Boucle. «Pour y remédier, les organisate­urs ont tout simplement décidé de diminuer fortement la part de contre-lamontre», conclut Richard Chassot.

Outre le nombre de chronos, c’est aussi la distance qui leur est accordée qui a nettement diminué. Jusqu’au début des années 2000, les épreuves avoisinant les 60 voire les 80 kilomètres étaient courantes. Il est désormais rare qu’elles atteignent la barre des 40 kilomètres: l’unique contre-lamontre de l’édition 2014 (54 km) en est le dernier cas recensé.

«Cette situation s’observe de manière globale, pas uniquement sur le Tour de France, mais aussi sur le Giro ou la Vuelta, par exemple», commente Danilo Wyss, coureur suisse de l’équipe Dimension Data. En 2008, les deux contre-la-montre individuel­s du Tour pesaient encore

L’allègement des épreuves chronométr­ées marque surtout l’avènement des purs grimpeurs

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(MANU FERNANDEZ/AP) Rohan Dennis, champion du monde du contre-la-montre.

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