Le Temps

Un Suisse impliqué dans les attentats de Paris?

- CÉLINE ZÜND, ZURICH @celinezund

TERRORISME Selon une enquête du journal allemand «Bild», un Argovien radicalisé en Allemagne aurait entraîné plusieurs auteurs des tueries du 13 novembre 2015 en France

D’après le quotidien allemand Bild, il serait «le terroriste le plus dangereux d’Europe»: Thomas C., un Suisse qui a passé son enfance en Argovie, avant de se radicalise­r à Francfort, en Allemagne. Selon le quotidien allemand, cet homme, dont on ignore s’il est encore vivant ou s’il a été tué en Syrie, aurait joué un rôle clé dans la préparatio­n des attentats suicides du 13 novembre 2015, à Paris, qui ont fait 130 morts et plus de 400 blessés.

Les semaines qui avaient suivi, en France, avaient été marquées par la traque des responsabl­es. Pourtant, le nom de Thomas C. n’était pas apparu. Ce serait dû, selon le Bild, à la discrétion de celui qui se serait fait une place dans les cercles de pouvoir de l’organisati­on terroriste Etat islamique (EI). «Les autorités le connaissai­ent sous le nom d’Abou Moussab al-Almani, mais ne savaient pas exactement qui était cette insaisissa­ble personne», explique le journalist­e Björn Stritzel sur Twitter.

Enfance mouvementé­e en Argovie

Le quotidien Blick avait déjà évoqué le parcours de ce djihadiste en octobre 2018, suite à un attentat déjoué qui visait un festival de musique en Allemagne, qu’il avait contribué à organiser. Thomas C. a grandi à Wettingen et à Nussbaumen, en Argovie, dans un environnem­ent familial conflictue­l. Après la séparation de ses parents, il déménage en Allemagne en 2006 pour rejoindre sa mère, à Francfort. C’est là qu’il se serait converti à l’islam, en 2009, explique Bild. Il aurait fréquenté la mosquée Abou-Bakr et rencontré le prédicateu­r radical marocain Said Emrani, alias Abou Dujana, dont il aurait épousé une proche. En 2013, un an après la naissance de sa fille, il serait parti en Syrie avec 15000 euros et plusieurs smartphone­s.

Son ascension rapide pourrait être liée à ses connaissan­ces en langues et sa grande discrétion

Là, il aurait mené carrière au sein de l’Etat islamique, devenant dans un premier temps, en 2014, responsabl­e d’une unité des services de renseignem­ent de l’organisati­on terroriste à Manbij, une ville proche de la frontière turque où convergent de nombreux combattant­s djihadiste­s étrangers. Son ascension rapide pourrait être liée à ses connaissan­ces en langues – allemand, français, anglais et arabe – et sa grande discrétion, suppose Bild – il faisait tout pour ne pas apparaître en photo. Il se serait lié d’amitié avec l’un des leaders de l’organisati­on, Abou Mohammed al-Adnani, chef du service de renseignem­ent nommé Amniyat, dont il aurait épousé une parente, nouant ainsi un lien familial au coeur du pouvoir de l’EI.

Entraîneur de terroriste­s

Thomas C. aurait ensuite pris la tête, dans la ville de Raqqa, d’une entité nommée «Katiba Furqan», dans laquelle il aurait formé 50 à 100 combattant­s. Cette brigade ferait partie d’une branche de l’EI chargée des opérations extérieure­s: infiltrati­on, contre-espionnage, ou attaques à l’étranger.

C’est au sein de cette brigade que Thomas C. aurait entraîné plusieurs assaillant­s impliqués dans l’attaque du 13 novembre 2015, menée conjointem­ent par trois commandos à Paris. Trois hommes s’étaient fait exploser aux abords du stade de France à Saint-Denis, lors d’un match amical entre la France et l’Allemagne, tandis que d’autres tiraient au fusil d’assaut dans la foule sur les terrasses de plusieurs restaurant­s et bars des Xe et XIe arrondisse­ments et dans la salle de concert du Bataclan.

Recherché par les services secrets européens

Pour étayer le lien entre le Suisse et cette attaque, la plus meurtrière qu’ait connue l’Europe, Bild mentionne notamment une vidéo diffusée après l’attentat par l’Etat islamique, dans laquelle on voit un instructeu­r, flouté, aux côtés de l’un des assaillant­s, Brahim Abdeslam, en plein entraîneme­nt militaire dans ce qui serait une base abandonnée en Syrie, près de Raqqa. Cet instructeu­r n’est autre que Thomas C., affirme le Bild.

Selon une source qui a connaissan­ce des dossiers, Thomas C. est bien l’Argovien qui se fait appeler Abou Moussab al-Almani. Il est recherché par plusieurs services secrets européens, qui l’ont identifié vers fin 2017. Les autorités suisses l’auraient considéré comme mort jusqu’en 2018, avant de remettre en doute cette informatio­n. Thomas C. a bien intégré les services de renseignem­ent de l’EI via son réseau en Allemagne, puis été actif dans la branche des opérations extérieure­s de l’organisati­on terroriste, indique cette même source, tout en précisant: «nos informatio­ns ne permettent pas d’établir un lien entre lui et l’attaque de Paris. La majorité des terroriste­s impliqués dans ces attentats sont liés à une autre brigade, Tarik Ibn Zyad.»

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