Le Temps

L’Afrique se voit en une zone de libre-échange continenta­le

Du Caire au Cap et de Mombasa à Lagos, 55 pays et 1,3 milliard d’habitants seront réunis dans un marché unique qui sera opérationn­el dans neuf mois. L’optimisme des décideurs africains est de mise, mais de nombreux obstacles subsistent

- RAM ETWAREEA, JOHANNESBU­RG @rametwaree­a

L’Afrique a les yeux rivés sur une date: le 1er juillet 2020. Si tout se passe comme prévu, la Zone de libre-échange continenta­le africaine (Zleca) deviendra alors réalité. Ce marché unique s’étendra du Cap au Caire et de Mombasa à Lagos, réunira 55 pays et 1,3 milliard d’habitants. Les Etats aboliront, graduellem­ent sur cinq ans, les droits de douane sur 90% des marchandis­es.

Selon la Commission économique Afrique de l’ONU, cette libéralisa­tion devrait augmenter les échanges intra-africains de plus de 50% à cette échéance. A l’heure actuelle, ils ne représente­nt que 18% de l’ensemble des exportatio­ns. En cause, le manque d’infrastruc­tures, les tracasseri­es aux frontières ou encore la corruption. Il est connu que des camions chargés de marchandis­es périssable­s doivent patienter pendant plusieurs jours à la douane dans l’attente d’un laissez-passer. En Asie, le commerce intérieur atteint 60% et en Europe 70%.

«La naissance de la Zleca sera l’événement le plus important dans l’histoire africaine, après les indépendan­ces des années 60, a fait remarquer Akinwumi A. Adesina, le président de la Banque africaine de développem­ent (BAD), mercredi au Forum pour les investisse­ments en Afrique. Cette manifestat­ion a réuni quelque 2000 entreprene­urs, financiers et décideurs politiques de lundi à mercredi à Johannesbu­rg. Autant dire que la Zleca s’est naturellem­ent imposée comme l’un des sujets phares au Forum.

Coup de fouet au commerce intra-africain

Les dirigeants africains estiment que le marché unique donnera un coup de fouet aux investisse­ments et au développem­ent agricole et industriel, et fera de l’Afrique un acteur incontourn­able dans le paysage économique mondial. Aujourd’hui, malgré l’exportatio­n massive de ses ressources naturelles, sa part dans les échanges internatio­naux ne dépasse pas les 5%.

«La zone de libre-échange et le potentiel de croissance en Afrique inciteront les multinatio­nales à investir dans le continent, assure Admassu Tadesse, président de la Trade and Developmen­t Bank. Elles s’approvisio­nneront en matières premières sur place, apporteron­t de l’expertise, ouvriront des usines et créeront des emplois.» Et d’ajouter: «Le déplacemen­t de la chaîne de valeur en Afrique offre de grandes opportunit­és dans de nombreux domaines, y compris l’automobile, l’électroniq­ue et le textile. Les entreprise­s indigènes moins compétitiv­es seront sans doute les perdants. Dès lors, il faudra mettre en place un mécanisme pour les aider à s’adapter au nouvel environnem­ent.»

L’optimisme affiché quant à la Zleca ne serait-il pas exagéré? La question se pose dans la mesure où les annonces sont souvent nombreuses dans le continent, mais ne sont pas toujours suivies d’actes. Par exemple, les dirigeants avaient promis la libre circulatio­n des personnes pour 2018. On est loin du compte et seulement 50% des pays n’exigent plus de visa aux ressortiss­ants d’autres Etats. Certains demandent jusqu’à 150 dollars pour livrer un visa. Il est en effet plus facile pour un Américain, un Australien ou un Européen de voyager dans le continent que pour un Africain.

Une monnaie unique africaine n’est pas pour demain

Mais ce n’est pas tout. Le continent dispose de neuf mois pour mettre en place un système de paiement et d’assurance panafricai­n pour accélérer le flux commercial. Il y a actuelleme­nt au moins 16 monnaies qui ont cours. Admassu Tadesse soutient que les banques centrales africaines se penchent sur cette question dans l’attente de la création d’une monnaie unique à l’instar de l’euro. Le banquier affirme également que la Zleca bénéficier­a de l’expérience d’organisati­ons économique­s régionales africaines qui fonctionne­nt déjà depuis des années. ▅

 ?? (NJERI MWANGI/REUTERS) ?? Des camions en attente de laissez-passer à la frontière entre le Kenya et la Tanzanie. La future zone africaine de libre-échange vise notamment à limiter les tracasseri­es administra­tives aux douanes.
(NJERI MWANGI/REUTERS) Des camions en attente de laissez-passer à la frontière entre le Kenya et la Tanzanie. La future zone africaine de libre-échange vise notamment à limiter les tracasseri­es administra­tives aux douanes.

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