Taux négatifs: les banques qui les paient, et les autres
La réforme du mode de calcul des intérêts négatifs appliqués par la BNS aux banques se traduit par une exemption de facto des établissements cantonaux. Credit Suisse et UBS paient moins que les autres banques
Le 19 septembre dernier, la Banque nationale suisse (BNS) annonçait une réforme de son mode de calcul des intérêts négatifs. Son taux directeur et le taux d’intérêt négatif appliqué aux avoirs à vue demeurent à 0,75%. Mais, depuis le 1er novembre, ce dernier entre en jeu à partir d’un montant correspondant à 25 fois les réserves minimales que les banques commerciales doivent déposer auprès de la Banque nationale. Ce seuil étant auparavant fixé à un multiple de 20, la nouvelle méthode de calcul permet d’alléger la charge de l’intérêt négatif pour l’ensemble des banques. Mais en pratique, la réforme revient à exempter de facto certaines catégories de banques, montrent les statistiques de la BNS.
Chaque mois, la BNS publie des données agrégées sur les intérêts négatifs. Ces chiffres ne donnent pas leur coût précis pour un établissement ou un groupe d’établissements. En revanche, on sait combien de réserves excédentaires sont détenues par l’ensemble des banques, par les grandes banques et par les banques cantonales. Sachant que les intérêts négatifs frappent dorénavant les montants dépassant 25 fois les réserves obligatoires, on peut comprendre quels groupes de banques les paient. Ou pas.
Multiple moyen de 27,59
En août dernier (les derniers chiffres disponibles), l’ensemble des banques affichaient un multiple de 27,59 fois les réserves minimales. Ce montant est monté jusqu’à plus de 30 fois début 2017, avant de reculer progressivement. C’est le multiple moyen pour les 226 banques prises en compte.
Pour les deux grandes banques UBS et Credit Suisse, leurs avoirs à vue représentaient en août 26,59 fois le montant des réserves minimales. Ce multiple a été supérieur ou égal à 30 fois entre décembre 2016 et avril dernier, avant de reculer. Troisième groupe mentionné par les statistiques de la Banque nationale, les banques cantonales affichaient en août un multiple de 25,02. Leur chiffre était plus élevé entre juillet et novembre 2017, puis il a baissé, avant de remonter durant l’été 2019. A 25,02, cela signifie que les banques cantonales dans leur ensemble ne paient collectivement pratiquement pas d’intérêts négatifs.
Bien sûr, ce constat global cache des réalités individuelles diverses, selon la taille, les activités et le modèle d’affaires des différentes banques cantonales. La Banque cantonale de Genève ou la Banque cantonale vaudoise, par exemple, n’ont jamais caché que les taux négatifs leur coûtaient plusieurs millions par an. D’autres banques cantonales n’en paient pas, en revanche.
Les grandes banques paient un peu
Le même raisonnement montre que, puisque le groupe des banques cantonales affiche un multiple moyen inférieur à la moyenne de 27,59 fois pour l’ensemble des établissements, c’est que d’autres groupes de banques paient davantage. C’est un peu le cas des deux grandes banques, et encore plus pour celles qui n’apparaissent pas de manière spécifique dans les statistiques de la Banque nationale. On peut penser aux banques de gestion, qui se sont montrées plus critiques envers les intérêts négatifs ces derniers mois.
Une explication possible est que la BNS veut éviter que les taux négatifs ne soient répercutés sur les particuliers, ce qui risquerait de déclencher des retraits massifs d’argent liquide. La BNS manquerait probablement de pièces et de billets. Surtout, sa politique monétaire risquerait de perdre en efficacité. C’est ce qui explique que les banques cantonales – au moins certaines d’entre elles –, qui ont beaucoup de clients particuliers, soient en quelque sorte favorisées par rapport aux banques de gestion, dont les clients sont aisés.
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