«Ok boomer», comme un bras d’honneur
Ça sonnait comme un cri du coeur au moment de l’élection d’Olivier Français à la Chambre haute. «C’est bien de voir qu’un homme de plus de 60 ans peut encore être élu au Conseil des Etats», a lancé un magistrat. Signe qu’il y a comme un malaise dans la génération des baby-boomers. Après l’avènement du parti d’Emmanuel Macron en France et l’émergence de profils issus de la diversité aux élections américaines, une nouvelle classe de politiciens – plus jeune, plus féminine – casse tout ce qui constituait jusqu’ici les stéréotypes du pouvoir. Il faudra s’y habituer au moment où le mouvement se propage plus loin, dans les entreprises et toutes les strates de la société.
Après avoir beaucoup tenté de comprendre la génération des millennials, puis s’être rendu compte que les Z leur préparaient encore d’autres surprises pas toujours agréables, les baby-boomers font l’expérience d’un monde qui disparaît. En cette année meurtrière, les plus de 45 ans ont assisté à la fermeture du dernier vidéoclub romand, au démontage de la dernière cabine téléphonique genevoise et à la fin des Coups de coeur d’Alain Morisod sur la RTS. Les moins de 30 ans n’ont aucune idée de tout cela, la disparition de ces objets culturels venus d’un autre temps leur est étrangère.
Les anciens, eux, ont de quoi se sentir cernés. Désormais, il faut aussi subir le sarcasme des nouvelles générations. Je ne pensais pas en parler ici en me disant que l’affaire avait un goût trop anglo-saxon. Jusqu’à ce qu’un jeune collègue du Temps l’utilise dans un tweet. «Ok boomer» constitue la nouvelle expression qui permet aux plus jeunes de clouer le bec des anciens. Cette dernière serait née sur TikTok, le réseau social favori de ceux qui connaissent – et une évocation brumeuse pour les autres.
«Ok boomer», c’est un «cause toujours» qui sonne comme un cri de ralliement sur les réseaux sociaux, un bras d’honneur à ceux qui seraient la cause de tous les maux – la dette, le dérèglement climatique, etc. Une parlementaire néo-zélandaise l’a parfaitement utilisé alors qu’un collègue plus âgé la coupait dans son exposé, elle qui critiquait l’âge moyen de l’assemblée. Son «Ok boomer», lancé sans même relever la tête a depuis pris du vent dans les voiles. Les grands médias d’outre-Atlantique ont disséqué la figure de style, l’expression s’empare du web et des petits malins en ont même fait des t-shirts et des casquettes.
Dans une société où on nous assure qu’il faudra travailler plus longtemps, la rencontre des générations sur la place de travail va-telle se transformer en bataille rangée? Dans l’immédiat, elle va surtout consacrer une expression à la mode car la population vieillit.
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