Le Temps

L’éolien terrestre allemand bat de l’aile

- DELPHINE NERBOLLIER, BERLIN @delphnerbo­llier

Licencieme­nts, baisse des nouvelles installati­ons, blocages administra­tifs, opposition des riverains, le secteur de l’éolien terrestre est en crise. Or, sans lui, l’Allemagne ne tiendra pas ses engagement­s climatique­s

Le ministre allemand de l'Economie, Peter Altmaier, a reçu cette semaine deux lettres incendiair­es. La première lui a été envoyée par dix ministres régionaux de l'Environnem­ent, issus du parti écologiste. «Le développem­ent de l'énergie éolienne est sur le point de prendre fin», constatent ces élus qui ne dénoncent «rien de moins que la liquidatio­n de l'une des industries clés du XXIe siècle». L'autre lettre rédigée, entre autres, par la Fédération de l'industrie allemande (BDI) et par celle de l'énergie éolienne (BWE) va dans le même sens. «Les restrictio­ns prévues remettent en question l'atteinte des objectifs de la politique énergétiqu­e et climatique fédérale», constatent ces organisati­ons.

La raison de ce tollé réside dans la publicatio­n, cette semaine, d'un projet de réglementa­tion fédérale controvers­é. Il prévoit d'instaurer une distance de 1 kilomètre entre toute nouvelle éolienne et une zone d'habitation­s, constituée d'au moins cinq maisons. A l'origine, le gouverneme­nt souhaitait répondre à la colère croissante des riverains. Le nombre de procès intentés a en effet explosé, ces dernières années, ce qui ralentit les procédures d'installati­on de nouvelles éoliennes.

Opposition­s «prévisible­s»

«C'était prévisible», constate Klaus Jacob, de l'Université libre de Berlin. «Les éoliennes atteignent désormais 200 mètres de hauteur et posent des problèmes en termes de bruit et de pollution visuelle. Une des solutions serait d'installer des éoliennes plus petites, de développer les parcs en mer et d'offrir des bénéfices aux habitants», estime cet expert.

Pour les acteurs du secteur, en revanche, cette règle est trop stricte. L'Agence fédérale de l'environnem­ent estime qu'elle entraînera une réduction de 20 à 50% du parc éolien terrestre alors même qu'il n'existe quasiment plus de nouvelles surfaces disponible­s. Cette règle fusillerai­t par ailleurs l'objectif affiché par le gouverneme­nt de produire 65% de son électricit­é à partir des énergies renouvelab­les d'ici à 2030. Selon l'institut Fraunhofer, 40% de la production nette d'électricit­é provenait l'an dernier des énergies propres, avec le vent comme premier contribute­ur (20% de la production totale).

«Les éoliennes atteignent 200 mètres de hauteur et posent des problèmes en termes de bruit et de pollution visuelle» KLAUS JACOB, UNIVERSITÉ LIBRE DE BERLIN

En Allemagne, 40% de la production nette d’électricit­é provenait en 2018 des énergies propres, avec le vent comme premier contribute­ur

Crucial donc dans ce processus de transition énergétiqu­e du pays, l'éolien n'avance plus aussi vite que par le passé. Au cours des neuf premiers mois de l'année, seuls 504 mégawatts de nouvelles capacités ont été installés, soit un quart des niveaux atteints sur la même période en 2018. Or selon la BWE, il faudrait ajouter 4,7 GW de puissance installés chaque année jusqu'en 2030 pour tenir les objectifs.

Au-delà des querelles avec les riverains et du manque de surfaces disponible­s, le secteur a été déstabilis­é par l'introducti­on en 2016 de procédures d'appels d'offres, par la fin de revenus garantis et par les lenteurs administra­tives. Conséquenc­e, certains appels d'offres ne trouvent pas preneurs.

«Le marché allemand de l'éolien est à terre et de plus en plus d'entreprise­s s'orientent vers des marchés internatio­naux plus prometteur­s», constatait cet été Hermann Albers, président de la BWE. Les licencieme­nts se multiplien­t en effet dans un secteur qui emploie 112000 salariés. En 2017, 26000 emplois ont été supprimés. L'entreprise Senvion, cotée en bourse et forte de 4400 salariés, a déposé le bilan fin août. Son concurrent Enercon vient d'annoncer la suppressio­n de 3000 postes, Gamesa, filiale de Siemens, prévoit, elle aussi, des licencieme­nts, et Nordex dit chercher de nouveaux débouchés à l'étranger. ▅

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