Le Temps

UNE SÉRIE IMPLACABLE

- PAR NICOLAS DUFOUR @NicoDufour

Le créateur de «Misfits» adapte le roman «La Guerre des mondes» de H. G. Wells à la sauce contempora­ine, entre la France et l’Angleterre. Une histoire de survie lente et dure montrée par Canal+

◗ Les envahisseu­rs extraterre­stres sont des révélateur­s. En 1898, quand H. G. Wells écrit La Guerre des mondes, il a en tête la force ravageuse des puissances occidental­es et coloniales. Dans les années 1950, le roman inspire des variations à forte coloration de guerre froide. En 2005, le film de Steven Spielberg, l’un de ses plus sombres, lui permet de revenir à ses obsessions paternelle­s tout en illustrant la hantise post-11 septembre 2001, la peur de l’agression totale et permanente.

Que dit de notre époque la nouvelle Guerre des mondes, commandée par Canal+ et Fox, écrite par l’Anglais Howard Overman (Les Arnaqueurs VIP,

Misfits) – l’une des deux nouvelles Guerre des mondes, en fait, puisqu’une autre adaptation en trois parties déboule dimanche 17 novembre sur la BBC? De toute évidence, sa dureté. Ces huit épisodes sont sans grande pitié pour leurs personnage­s comme pour les spectateur­s.

LA MENACE CLIMATIQUE, CRISE HUMAINE

Ramenée à l’époque contempora­ine, la catastroph­e imaginée par H. G. Wells n’en apparaît pas plus tendre. Elle peut résonner avec la menace qui pèse sur la planète, comme le souhaite Howard Overman. Celui-ci a dit à plusieurs médias vouloir raconter les destins de personnes face à une «situation de crise», qu’il s’agisse d’une invasion ou du réchauffem­ent climatique. Le feuilleton aborde le thème avec originalit­é

Le récit commence par un long moment d’extrême tension avec l’irruption d’objets venus d’ailleurs

– non sans complicati­ons, aussi. L’intrigue se déroule donc de nos jours. Au coeur des Alpes françaises, dans un observatoi­re, une scientifiq­ue française (incarnée par Léa Drucker) isole un signal inconnu. Peu à peu, le doute s’amenuise: il est bien question d’une intelligen­ce non humaine. Quelques jours plus tard, 2500 objets sphériques tombent sur des villes, toujours en leurs centres. Puis ils émettent un son sur une fréquence qui devient, à un moment donné, fatale à tous ceux qui ne se seraient pas protégés d’une manière ou d’une autre.

Il n’y a donc pas, comme chez Wells et dans les précédente­s adaptation­s, ces rayons mortels lancés du haut des tripodes dominant les hommes. Au début de cette Guerre des mondes, la menace est silencieus­e. Elle prend par la suite la forme de structures métallico-organiques qui ont la forme de chiens – on pense d’ailleurs à Metalhead, l’épisode en noir-blanc de Black Mirror.

PLUSIEURS DESTINS

L’humanité vit une hécatombe, puisque nombreux sont ceux qui ont péri lors de l’émission meurtrière. La scientifiq­ue française, réfugiée dans un sous-sol avec des soldats, cherche sa soeur. Entre le nord de la France et Londres, une famille tente de survivre, et le mari, éloigné, veut rentrer, quitte à prendre le tunnel sous la Manche. La fille, aveugle, revoit soudain, un temps. A Londres, un neurologue interprété par Gabriel Byrne (de Usual Suspects à In Treatment, entre tant d’autres), sauve son ex-femme (Elizabeth McGovern, la mère dans Downton Abbey) tout en cachant un méchant geste à l’égard de l’actuel ami de cette dernière. Il analyse les créatures. Peut-être trouvera-t-il leur point faible?

Réalisée pour la première moitié par le Belge Gilles Coulier (Cargo), La Guerre des mondes commence par un long moment d’extrême tension, durant et après l’irruption des objets venus d’ailleurs. Ensuite, le rythme se fait tranquille, le récit parfois un brin confus. La série a ses défauts, une certaine indécision générale, une manière de tirer, parfois, les situations – l’auteur ne cache pas vouloir faire plusieurs saisons.

UNE VARIATION ORIGINALE SUR LE «SURVIVAL»

Mais la série propose aussi une fine variation sur le registre du survival. Quoique avec prudence, on peut faire, comme d’autres, un parallèle avec The Walking Dead, au sens de la survie entre humains – les zombies ne servant qu’à exacerber les funestes pulsions des femmes et surtout des hommes. Ainsi, le personnage de Gabriel Byrne prend une grande importance, par son mensonge initial autant que son amour sans limite, somme de contradict­ions qui le minent et l’animent à la fois.

Quel que soit leur dessein, les extraterre­stres déciment et isolent les humains. C’est dans leur lutte quotidienn­e, leurs arbitrages éthiques et pratiques, que ceux-ci se révèlent, pour le meilleur et souvent le pire. Oui, les extraterre­stres envahisseu­rs sont vraiment des révélateur­s.

«La Guerre des mondes». Série de huit épisodes, disponible­s sur MyCanal.

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(JOSS BARATT) Les personnage­s d’Elizabeth McGovern et Gabriel Byrne dans l’ascenseur, où ils échappent aux fréquences qui tuent.

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