A Genève, une lutte pour le «dernier village»
Un projet d’aménagement au Petit-Saconnex est soumis au référendum cantonal le 24 novembre. Pour les associations d’habitants et de sauvegarde du patrimoine, les 200 logements prévus vont «défigurer le quartier»
C’est le «dernier village en ville de Genève» qui résiste à la «densification effrénée imposée par le canton». Au Petit-Saconnex, la guerre de l’aménagement fait rage et donne dans la caricature. Un projet de déclassement de zones qui prévoit la construction de 200 logements est combattu par un référendum cantonal le
«Situé en plein centre-ville, le Petit-Saconnex est typiquement une zone où la densification se justifie»
ADRIEN GENECAND, DÉPUTÉ PLR
24 novembre prochain. Pourtant plébiscité à plus de 60% au niveau communal en mars 2018, il est considéré par les référendaires comme un projet démesuré qui risque d’anéantir la vie de quartier et la biodiversité. «Les pelleteuses sont maintenant ici, demain elles seront devant chez vous!» prévient le flyer, à grand renfort de grues noires s’attaquant à des arbres sur un fond rouge sang.
Avec sa place arborée, sa fontaine et son église, la zone des Crêts, quoique très proche du centre-ville, garde un caractère villageois. Tout autour, des pavillons avec jardins privés, certes, mais «régulièrement ouverts au public». «Le coeur du Petit-Saconnex est un symbole», martèle Jean Hertzschuch, président de Sauvegarde Genève, pour qui il faut à tout prix conserver ce «poumon vert» si l’on veut maintenir une qualité de vie et un «environnement sain» à Genève. N’est-il pas vain de vouloir figer les lieux alors que la population cherche à se loger? «Les habitats représentatifs de la fin du XIXe siècle sont susceptibles de donner des repères aux générations à venir», lit-on dans l’argumentaire des référendaires. «Plus généralement, des milliers de surfaces de bureaux sont vides, pourquoi ne pas les transformer en logements?» questionne Pierre-André Marti, président de Sauvegarde Petit-Saconnex.
«Fuite en avant»
Jugé excessif, le projet du canton prévoit la construction de «gabarits modérés variant de 3 à 5 niveaux». «Peu importe le nombre d’étages, le bétonnage va défigurer le quartier», campe l’UDC Eric Bertinat, président de la Commission de l’aménagement et de l’environnement au Conseil municipal. Son parti s’est opposé au projet aux côtés du MCG, du Parti du travail et, tout récemment, des Verts. Après avoir plébiscité le projet dans un premier temps, ces derniers, soucieux de préserver la «forte arborisation actuelle», se sont rangés du côté des opposants, quitte à se mettre en porteà-faux avec leur ministre. Pour Eric Bertinat, le déclassement du Petit-Saconnex illustre la «fuite en avant» menée par l’écologiste Antonio Hodgers. «Avec les logements viendra une nouvelle population, principalement étrangère, déplore-t-il. Ce surdéveloppement n’est plus tolérable.» C’est bien là que se situe le coeur du débat: les associations de défense du patrimoine et de la biodiversité prônent un développement durable du territoire qui passe par une croissance démographique maîtrisée. Elles se rapprochent en ce sens de l’initiative «Ecopop».
Le député PLR Adrien Genecand juge au contraire le projet très mesuré. «Situé en plein centreville, le Petit-Saconnex est typiquement une zone où la densification se justifie, sachant qu’on ne peut plus toucher aux zones agricoles», estime-t-il. Quant aux réactions épidermiques que suscite désormais chaque projet d’aménagement ou presque à Genève, il s’agit selon lui d’une question de perception. «Quand un immeuble vient boucher la vue qu’on avait depuis son jardin, ce n’est jamais agréable, concède-t-il, mais il faut être sérieux, le quartier garde de nombreux espaces verts, à commencer par le parc Trembley ou encore le lac, qui n’est qu’à quelques minutes à pied.»
Abattages contestés
Pour Christian Gottschall, président de l’association Pic-Vert, qui représente les propriétaires de villas, le Petit-Saconnex est emblématique de la lutte menée à l’échelle du canton. «Voté en 2013, le Plan directeur cantonal que nous propose le canton n’est plus adapté aux préoccupations environnementales actuelles, estime-t-il. Bientôt, il n’y aura plus d’arbres au centre-ville et on s’en mordra les doigts.» Les abattages ne sontils pas compensés? «Pas toujours et, quand ils le sont, c’est sur des valeurs datant des années 1970», affirme Jean Hertzschuch. Samedi dernier, quelque 300 personnes sont descendues dans les rues de Genève pour exiger un moratoire sur les abattages d’arbres. Preuve que la guerre de l’aménagement n’est pas près de s’apaiser.
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