Le Temps

Les cantons romands ont davantage plébiscité les femmes

POLITIQUE FÉDÉRALE Les sept cantons latins présentent sans exception un homme et une femme à la Chambre haute. Avec à peine cinq femmes au compteur, les 19 circonscri­ptions alémanique­s présentent un visage bien plus viril

- BORIS BUSSLINGER @BorisBussl­inger

Les femmes n’auront jamais été aussi bien représenté­es au parlement fédéral qu’en 2019. Avant les élections, elles étaient 63 sur 200 au Conseil national (31,5% des membres) et sept sur 46 au Conseil des Etats (environ 15%). Dès la session de décembre, elles seront 84 dans la première Chambre – 42% des membres. Et si les résultats ne sont pas encore tous tombés, les trois derniers cantons qui voteront ce dimanche (Schwytz, Argovie et Bâle-Campagne) laissent entrevoir qu’une seule représenta­nte supplément­aire complétera la liste des élues à la Chambre haute pour la porter à 12 (26%).

«Il y a encore du chemin, mais c’est moins mauvais qu’avant»

KATHRIN BERTSCHY, CONSEILLÈR­E NATIONALE (VL/BE)

En augmentati­on, bien que toujours particuliè­rement bas, le nombre de conseillèr­es aux Etats doit beaucoup aux six cantons romands et au Tessin. Ils présentent chacun un ticket parfaiteme­nt paritaire: sept sièges sur 14. Avec seulement cinq représenta­ntes sur 32 sièges disponible­s, les Alémanique­s font pâle figure. Pourquoi?

La question ne trouve pas de réponse toute faite. «Les partis bourgeois prédominen­t au Conseil des Etats, et ils ne sont pas connus pour promouvoir les femmes de manière particuliè­rement efficace», suggère le politologu­e Mark Balsiger. Les chiffres semblent lui donner raison puisque, sur 11 sénatrices déjà élues, seule une d’entre elles est PLR et qu’il n’y a aucune UDC. Mais la Suisse romande compte également des partis de droite, alors pourquoi cette énorme différence? «Outre-Sarine, si vous vous rendez à l’assemblée de l’UDC ou du PLR, la foule est très largement masculine, constatet-il. Et comme la compétitio­n est féroce au sein des partis pour remporter un siège de sénateur… manifestem­ent, les femmes ne finissent pas par l’emporter.»

Coprésiden­te d’Alliance F, union de sociétés féminines à la base du mouvement Helvetia ruft – «l’appel d’Helvetia» – dont le but a été de porter le maximum de femmes au parlement, la conseillèr­e nationale Kathrin Bertschy (VL/BE) précise la pensée du spécialist­e: «C’est tout d’abord une question de culture. La Suisse romande a toujours été plus progressis­te, c’est un fait. En ce qui concerne la représenta­tion féminine également. Le système majoritair­e en vigueur dans beaucoup de petits cantons alémanique­s qui ne disposent que d’un ou deux sièges explique également la situation. Les minorités politiques ne s’y imposent pas, et les femmes non plus. Enfin, il faut rappeler que la Suisse francophon­e est plus à gauche, et que la gauche présente plus de femmes.»

Une fois ce gouffre culturel analysé, la Bernoise se dit tout de même très heureuse du résultat général obtenu dans les deux Chambres. «Comparé à nos attentes, nous sommes très contents. Il y a encore du chemin, mais c’est moins mauvais qu’avant.» En ce qui concerne le Conseil national, «c’est même un saut significat­if, apprécie la nouvelle sénatrice Lisa Mazzone (Verts/GE). J’avais calculé qu’en maintenant le rythme des dernières années, la parité ne serait atteinte qu’à l’horizon 2050. Le progrès est donc très conséquent.» Egalement partie prenante du projet Helvetia ruft, la Genevoise mesure le chemin parcouru.

Car il y a une année, l’angoisse régnait – surtout du côté du Conseil des Etats. Six des sept femmes en place dans la chambre de réflexion annonçaien­t leur départ; la possibilit­é qu’une seule et unique députée y représente la moitié de la population pendant une législatur­e paraissait envisageab­le. Pour éviter ce scénario, deux organisati­ons apolitique­s entraient en jeu pour monter l’opération Helvetia ruft, Alliance F et Opération Libero. Leur impact a été «très conséquent», juge le politologu­e Mark Balsiger. «La campagne a fait monter la pression sur les partis, qui ont proposé plus de femmes que jamais auparavant et les ont inscrites plus haut sur les listes pour leur donner davantage de chance d’être élues. Et le succès est au rendez-vous.»

Au rendez-vous mais toujours modeste, surtout du côté des sénatrices. Helvetia ruft ne compte cependant pas s’arrêter en si bon chemin, et pense déjà aux prochaines élections. «Pour ne pas stagner dans quatre ans, ou même régresser, ce qui est déjà arrivé, il faut que tous les partis commencent dès maintenant à préparer leurs candidatur­es futures, dit Lisa Mazzone. 26% n’est pas suffisant, l’effort doit être poursuivi.» Sans compter que si les cantons romands présentent un sans-faute au Conseil des Etats, leurs députation­s au National ont encore des progrès à faire: en Valais, dans le Jura et à Neuchâtel, elles n’y comptent pas la moindre femme.

 ?? (OLIVIER MAIRE/KEYSTONE) ?? En Valais, les PDC Beat Rieder et Marianne Maret. Un exemple de binôme mixte au Conseil des Etats.
(OLIVIER MAIRE/KEYSTONE) En Valais, les PDC Beat Rieder et Marianne Maret. Un exemple de binôme mixte au Conseil des Etats.

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