L’effondrement du Sahel, responsabilité européenne
Parler de solutions africaines aux problèmes africains n’a aucun sens dans l’immense région désertique du Sahel. En s’abritant derrière cette formule, les pays européens ont en effet pendant longtemps refusé de voir que leurs Etats clients de toute cette zone étaient en train de s’effondrer, gangrenés par la corruption, minés par l’absence d’une politique de cohésion nationale incluant toutes les communautés ethniques et ruinés par une gouvernance erratique.
Le président sénégalais, Macky Sall, a eu en outre beau jeu de rappeler, lors du forum de Dakar sur la sécurité qui vient de s’achever, que la décision franco-britannique d’intervenir en 2011 en Libye contre l’avis de l’Union africaine n’a fait que décupler la violence en essaimant armes et djihadistes dans le désert. Les pays européens, en choisissant cette option alors dictée par des impératifs humanitaires en plein Printemps arabe, ont enclenché un engrenage infernal dont ils portent aujourd’hui, presque dix ans après la chute du colonel Kadhafi, une partie de la responsabilité. Et dont ils supportent aussi le prix, puisqu’ils sont à la fois la destination des migrants et celle des trafics acheminés via le Sahara.
S’en tenir, dans un tel contexte, à des analyses stratégiques, à un financement humanitaire ou à des forces d’appoint aux côtés de la France, seule engagée militairement, n’est pas acceptable. Le Sahel est un piège trop parfait pour laisser s’y enliser troupes et matériel, tandis que les gouvernements et les états-majors des pays concernés, blottis dans les capitales, comptent les coups et profitent en sous-main de la violence, justification parfaite au robinet de l’aide d’urgence. Si le sort des populations locales, et surtout de la jeunesse, n’est pas au coeur de l’effort international, la sécurisation des axes de trafic sera inéluctablement vaine. Le djihadisme disposera toujours d’un terrain fertile là où les structures sociales, étatiques et militaires sont désintégrées.
La Suisse, à son modeste niveau, appuie de son mieux les acteurs de paix dans la région. Mais au sommet de Dakar, ce genre d’efforts est apparu bien isolé. Dommage. Il est urgent que les pays de l’Union européenne érigent cette partie de l’Afrique en absolue priorité, et que leur intervention y soit massive, multiforme et orientée sur le long terme. Une force militaire adaptée, avec des unités de lutte antiterroriste prépositionnées sur le terrain et un appui aérien, doit en être le levier. La mise en oeuvre de systèmes pour contrôler les armées locales, et surtout leurs chefs, doit permettre d’exercer une pression militaire durable. Le financement et la sécurisation de projets de développement ciblés doivent, enfin, toujours être soutenus, pour donner du sens et de l’espoir aux populations prises en tenaille.
Une intervention massive, multiforme et orientée sur le long terme