Le Temps

L’effondreme­nt du Sahel, responsabi­lité européenne

- RICHARD WERLY @LTwerly

Parler de solutions africaines aux problèmes africains n’a aucun sens dans l’immense région désertique du Sahel. En s’abritant derrière cette formule, les pays européens ont en effet pendant longtemps refusé de voir que leurs Etats clients de toute cette zone étaient en train de s’effondrer, gangrenés par la corruption, minés par l’absence d’une politique de cohésion nationale incluant toutes les communauté­s ethniques et ruinés par une gouvernanc­e erratique.

Le président sénégalais, Macky Sall, a eu en outre beau jeu de rappeler, lors du forum de Dakar sur la sécurité qui vient de s’achever, que la décision franco-britanniqu­e d’intervenir en 2011 en Libye contre l’avis de l’Union africaine n’a fait que décupler la violence en essaimant armes et djihadiste­s dans le désert. Les pays européens, en choisissan­t cette option alors dictée par des impératifs humanitair­es en plein Printemps arabe, ont enclenché un engrenage infernal dont ils portent aujourd’hui, presque dix ans après la chute du colonel Kadhafi, une partie de la responsabi­lité. Et dont ils supportent aussi le prix, puisqu’ils sont à la fois la destinatio­n des migrants et celle des trafics acheminés via le Sahara.

S’en tenir, dans un tel contexte, à des analyses stratégiqu­es, à un financemen­t humanitair­e ou à des forces d’appoint aux côtés de la France, seule engagée militairem­ent, n’est pas acceptable. Le Sahel est un piège trop parfait pour laisser s’y enliser troupes et matériel, tandis que les gouverneme­nts et les états-majors des pays concernés, blottis dans les capitales, comptent les coups et profitent en sous-main de la violence, justificat­ion parfaite au robinet de l’aide d’urgence. Si le sort des population­s locales, et surtout de la jeunesse, n’est pas au coeur de l’effort internatio­nal, la sécurisati­on des axes de trafic sera inéluctabl­ement vaine. Le djihadisme disposera toujours d’un terrain fertile là où les structures sociales, étatiques et militaires sont désintégré­es.

La Suisse, à son modeste niveau, appuie de son mieux les acteurs de paix dans la région. Mais au sommet de Dakar, ce genre d’efforts est apparu bien isolé. Dommage. Il est urgent que les pays de l’Union européenne érigent cette partie de l’Afrique en absolue priorité, et que leur interventi­on y soit massive, multiforme et orientée sur le long terme. Une force militaire adaptée, avec des unités de lutte antiterror­iste prépositio­nnées sur le terrain et un appui aérien, doit en être le levier. La mise en oeuvre de systèmes pour contrôler les armées locales, et surtout leurs chefs, doit permettre d’exercer une pression militaire durable. Le financemen­t et la sécurisati­on de projets de développem­ent ciblés doivent, enfin, toujours être soutenus, pour donner du sens et de l’espoir aux population­s prises en tenaille.

Une interventi­on massive, multiforme et orientée sur le long terme

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