Le Temps

La Suisse se profile dans le marché des mini-organes

- ALINE BASSIN @BassinAlin­e

Les Genevois se prononcent ce dimanche sur le recours à l’expériment­ation animale. La culture d’organoïdes représente une des voies alternativ­es les plus prometteus­es pour s’affranchir de cette pratique controvers­ée. La Suisse occupe une place de choix dans un marché en plein essor

Quittons très vite le champ éthique à la source des initiative­s récurrentes visant à proscrire l’expérimentatio­n animale. Car «le problème de ces tests ne se situe pas que là, insiste Silvia Angelioni, fondatrice de la société Simplinext. Très souvent, des essais réalisés sur une autre espèce ne livreront pas des résultats assez probants.»

Désormais cheffe d’entreprise, cette chercheuse développe une plateforme de données issues des tests effectués ces cinquante dernières années. Son espoir: «Peut-être qu’un jour nous n’aurons même plus besoin de recourir aux animaux car nous pourrons nous appuyer sur l’existant.»

Des mini-organes qui remplacent les animaux

Mais il n’est pas impossible que cette pratique tant décriée soit de toute manière marginalis­ée, remplacée par une nouvelle voie que la science emprunte depuis dix ans, la culture de mini-organes. Déjà bien réels, ces minuscules cerveaux, poumons ou autres rétines sont cultivés à partir de cellules ou de tissus prélevés sur des êtres humains. Ils représentent un secteur d’avenir que la Suisse a rapidement investi, donnant naissance à un réseau de jeunes entreprise­s actives dans ce créneau.

Installée à Zurich où elle développe des micro-tissus en 3D, la société Insphero représente l’une des figures de proue de ce nouveau biotope. «Avec la présence de Roche et Novartis, le savoirfair­e forgé dans notre pays ne doit rien au hasard», relève le biologiste Gilles Weder, chercheur au CSEM, à Neuchâtel. le biologiste croit fermement au potentiel des organoïdes. «On voit clairement dans les appels d’offres pour les projets de recherche que les autorités encouragen­t les technologi­es qui permettent de réduire l’expérimentatio­n animale.»

La Suisse romande n’est pas en reste dans ce nouveau marché, avec par exemple les jeunes pousses de l’EPFL QGel et Sun Bioscience. Tandis que la première commercial­ise des hydrogels pour la culture des mini-organes, la seconde a lancé l’année dernière une plateforme permettant de produire des organoïdes à grande échelle.

Autre exemple bien en vue: la société genevoise Neurix, qui développe des mini-cerveaux et entend accélérer drastiquem­ent les tests de médicaments. Non loin d’elle, à Plan-les-Ouates, se trouve la compagnie Epithelix, la doyenne de cette nouvelle génération d’entreprise­s. Créée en 2006 par trois scientifiq­ues issus de l’Université de Genève, cette PME d’une vingtaine de personnes s’est spécialisée dans la recherche liée aux problèmes respiratoi­res. «D’entrée de jeu, nous avons voulu offrir une alternativ­e à l’expérimentatio­n animale», se souvient Samuel Constant, cofondateu­r d’Epithelix. Selon lui, cette nouvelle technologi­e peut contribuer à réduire «substantie­llement» le recours à ce type de tests. «Dans notre secteur, les prévisions annoncent une croissance de 20% en rythme annuel ces cinq prochaines années.»

Vers une médecine personnali­sée

L’engouement que suscitent ces minuscules organes n’est pas seulement dû à la volonté d’épargner les souris, les rats ou les singes. Personnali­sables et reproducti­bles, les organoïdes promettent en effet l’avènement d’une nouvelle ère, celle d’une médecine sur mesure, beaucoup plus précise, à même d’offrir de nouvelles réponses à des maladies telles que le cancer, le diabète ou la mucoviscid­ose.

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(SABA REZAKHANI/LÜTOLF LAB/EPFL) Des organoïdes intestinau­x cultivés dans des hydrogels synthétiqu­es. Cette technologi­e permet de réduire l’expériment­ation animale.

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